mardi 12 février 2008

SAUCE A SPAGHETTI

Le spaghetti italien nous est arrivé au Saguenay entre 1955 et 1960. Je me demande encore comment les saguenéens ont fait pour vivre avant son arrivée... Auparavant, il ne se mangeait que du spaghetti avec sauce tomate chez nous. Une de nos connaissances disait "spagnetti" plutôt que "spaghetti"; je passerai sous silence bon nombre de "demeurés" qui disaient, eux, "spékati"... J'ignore toujours encore pourquoi certains ne prononcent jamais les mots comme il faut. Il y a ceux qui disent "ol-doille" plutôt que "hot dog", ceux qui parlent de "hambégueurs" au lieu de "hamburgers", ceux qui mangent de la "tourquiére" tous les dimanches et les "ceusses" qui mangent du "steak de jobber": le baloney (saucisson de Bologne). N'oublions pas les mangeux de "pétaques"!

Ce fut une commotion! Nos mères se passaient les recettes de sauce à spaghetti comme si une révélation était tombée du ciel. Il y avait un âge pour fabriquer la sauce à spaghetti italien. Les grand'mères n'en faisaient point: la recette, exotique, était suspecte. Elles s'en tenaient à leurs bonnes vieilles recettes, celles qu'elles tenaient de leurs mères et de leurs grand'mères: rôti de porc, rosbif, poulet rôti, ragoût de pattes, steak en tranches, fèves au lard, crêpes minces ou épaisses. Le spaghetti italien, ça n'allait pas durer, c'était du toc, de la "bombézite". Surtout, elles n'en mangeaient pas, même si c'était le repas de leurs filles ou de leurs brus.

Ceux qui mangeaient du spaghetti italien avaient moins de 45 ans, je pense. Quinquagénaires et sexagénaires plissaient le nez devant ce plat hérétique. Je me souviens que Roland, mon père, mangeait du steak quand nous savourions le "spag" italien de ma mère.

Car c'était devenu un art que de concocter la sauce bolognaise. Pas trop claire, juste assez de viande, des piments, oui, mais pas trop, et le goût! Ma mère se targuait de faire la meilleure sauce de toute notre parenté... Nous, les "cinq", étions bien d'accord. Que j'ai donc aimé le spaghetti italien de Lulu!

Certaines mères du quartier, certaines de nos tantes même, ajoutaient des carottes, ou du céleri, ou d'autres vilains légumes. Nous méprisions leurs sauces à spaghetti "déviantes" et il n'était pas question d'en manger! Ma mère parlait même d'"hérétiques"! Certaines sauces étaient immangeables. Leurs auteures étaient cataloguées sévèrement: étaient-elles dignes de vivre?

Personne aujourd'hui ne daigne aborder ce sujet: le spaghetti italien. La commotion s'est éteinte... Certaines cuisinières poussent même l'audace jusqu'à acheter de la sauce en conserve! Quelle incurie! Quelle ignominie! Excuse-moi, lecteur, de ne pas élever davantage, ce soir, le niveau intellectuel de mon blogue. C'est que j'adore le spaghetti italien! Surtout selon les préceptes maternels, qui résonnent toujours dans nos têtes. N'allez pas mettre de légumes dans la sauce: ça ne se fait pas, c'est hérétique. Certaines sauces sont identiques à elles-mêmes depuis des dizaines d'années: celle de l'hôpital de Chicoutimi, par exemple. Tout le monde en mange, une fois par semaine, depuis presque cinquante années. Le midi du spaghetti italien, pour certains d'entre nous, c'est un pèlerinage, c'est vénérer...

Le secret est dans la sauce...

Delhorno

2 commentaires:

Guy Sarrazin a dit…

La sauce à spaghetti, ça me rappelle que mon oncle Émilien en épousant Cécilia nous a permis de découvrir les piments. Car Cécilia en mettait toujours sur la table et s'amusait des réactions des enfants ... car certains piments étaient très piquants!

catherine a dit…

Haaa qu'elle a l'air merveilleuse cette sauce.J'aimerais tant avoir la recette,je penserai a votre enfance en la degustant.;)