dimanche 31 août 2008

L'ACCIDENT

Allez savoir pourquoi! J'avais presque retrouvé ma forme de l'année d'avant. 2007 avait été un enfer, en raison d'une bursite achiléenne droite qui mit huit mois à guérir et me fit claudiquer tout ce temps.

Dimanche matin, le 27 juillet 2008. Vers les onze heures trente. Parti de Chicoutimi à vélo. Monté à Jonquière par le boulevard St-Paul et, à partir de là, par les pistes cyclables. Je craignais qu'il ne pleuve à nouveau, tellement il avait plu depuis six semaines. Rivière-au-Sable. Vers Kénogami le long de la rivière. J'entame alors le dernier droit: cette longue piste cyclable qui longe le boulevard Saguenay sur plusieurs kilomètres jusqu'à Chicoutimi. Je me sens bien... et j'en suis heureux, car mon père était déjà mort à mon âge, et il n'y a pas tant de sexagénaires coronariens qui peuvent se taper une escapade de quarante kilomètres sans ressentir quoi que ce soit. J'en remercie tous les dieux de l'Olympe.



A partir de l'Eglise de Kénogami, la piste cyclable descend en pente douce et est entrecoupée de rues transversales. Je me dis qu'il faut ralentir, au cas où... Oh! Juste là! Il y a cette petite crevasse qu'il me faut éviter! L'irréparable se produit! Ma roue avant se cabre vers la droite! Je m'envole par-dessus ma bécane et atterris sur l'asphalte de la piste. Ma hanche gauche absorbe le choc. Dieu que ça fait mal. Incapable de me relever, ce qui est une première dans mon existence. On s'attroupe autour de moi.

-Appellez une ambulance!

Les badauds pensent que j'ai été victime de défaillance cardiaque ou cérébrale.

-Non, leur dis-je, c'est un vulgaire accident de vélo!

J'appelle ma femme:

-Viens me rejoindre à l'Urgence de Jonquière: je crois que j'ai une fracture de la hanche.

-OK, j'arrive!



A ma demande, on m'emmène aux Urgences de Chicoutimi, car j'aurai besoin des soins d'un orthopédiste, et Jonquière n'en a pas. L'orthopédiste chicoutimien sous-estimera mon état:

-Ce n'est qu'une petite fracture du grand trochanter: pas besoin d'hospitaliser, tu pourras marcher dans quelques jours.

Par contre, l'urgentologue diagnostique l'ébauche d'un pneumothorax gauche... On me garde donc à l'hôpital pour m'observer. Trois jours d'enfer. Ma hanche fait mal, horriblement. Ma femme décide de me sortir de l'hôpital!

-Tu seras guéri dans quelques jours! Nous perdons notre temps dans cet hôpital!

Le lendemain, je devrai retourner à l'hôpital. Un autre orthopédiste a revu mes radiographies du dimanche en compagnie de ma soeur. Il suspecte une fracture plus grave...



Fracture intertrochantérienne de la hanche. Je serai opéré le dimanche trois août: enclouage du fémur. Voilà où j'en suis. Incapable de marcher sans marchette ou sans béquilles. Incapable de marcher avec une canne. Perte quasi totale d'autonomie. J'occupe mes journées à boiter d'un fauteuil à l'autre. N'ai rien raté des jeux de Pékin. Depuis quelques jours, il y a le US Open de tennis: ai vu tous les matches! Encore chanceux! Chanceux aussi qu'Elle s'occupe de moi...



On me dit que ces fractures guérissent très bien. Que je ne devrais pas souffrir de séquelles. Que je pourrai refaire du vélo.

Ce que je pense de tout cela? La vie d'infirme est fort monotone... Il faut être très fort mentalement pour réussir à faire quelque chose en dépit d'un handicap. Je pense aux athlètes des jeux paraolympiens... N'ai pu ni lire ni écrire ni jouer du saxophone à ce jour. Dommage par ailleurs que je sois en fin de carrière, car je serai, il me semble, un meilleur docteur dorénavant.



Pour la quatrième ou cinquième fois en dix ans, il y aura eu erreur médicale me concernant. De cela, je vous parlerai en tête à tête, chers Gibus et McPhee.

Delhorno



lundi 18 août 2008

LA PHARMACOPEE MATERNELLE

Elle aurait pu m'empoisonner que je n'y aurais vu que du feu... Le lien de confiance était tellement fort. La thérapeutique commença, nous sortions à peine du berceau, par le WAMPOLE. De l'huile de foie de morue. Panacée des enfants canadiens. Bourrée de vitamines et de bonnes affaires. Ce n'était pas buvable! Et Lulu ne manquait pas un tour: elle n'oubliait jamais. Elle perdit le contrôle quand nous débutâmes le Secondaire. Ce qui m'offensa le plus, c'est que les plus jeunes de la famille ne furent jamais soumis à ce régime satanique...
Quand l'année scolaire prenait fin, Lulu se lançait dans la thérapie PURGATIVE. Celle-ci débutait le soir-même de la fin de l'école. Il fallait vider le corps de toutes les cochonneries qu'y avait accumulé le collège St-Edouard. Nous nous couchions donc investis d'une concoction dont nous ne saurions jamais la composition. Le Purgatoire commençait le lendemain matin. Le Sénateur et le Scribe passaient l'avant-midi à courir vers les toilettes à la grande satisfaction de notre mère alchimiste, qui avait ainsi purifié ses fils de tant d'inepties et de platitudes. Encore une fois les plus jeunes ne furent jamais soumis à ces grands ménages annuels.

Le début des années soixante vit surgir l'EQUANIL, précurseur du Valium et de Dame Imovane. L'Equanil fit tout de suite partie de l'armentarium maternel. La fin de l'année scolaire était encore une fois le moment idéal d'attaquer le problème... Nous manquions de sommeil, les examens avaient été difficiles, une cure à l'Equanil s'avérait incontournable. Cette nuit-là, nous dormirions dix, douze, quatorze heures... Nous nous lèverions les yeux à peine ouverts et le sourire maternel indiquerait une satisfaction incommensurable.
Ce serait un bel été! Bourrés de vitamines, l'intestin plus net que net, le cerveau ne manquant plus de sommeil, nous irions au terrain de jeu sans manquer une seule journée...

Chère Lulu, j'ai souvent pensé, avec un petit sourire, à ta pharmacopée autoinventée, en suivant mes cours de médecine...

Delhorno