lundi 31 décembre 2007

LA BELLE ET LA BETE... OU LE RESPECT DE LA VIE

En hommage à un squale magnifique
Dont l'épopée nautique
Prit fin subitement
Il y aura bientôt deux ans
A Sainte-Rose-du-Nord,
Chez moi, au Saguenay.

La Belle avait grande et fière allure.
Son sourire éclatait au diapason
Du grand bonheur qu'elle ressentait.
Son heure de gloire, elle la tenait!
Trois cent tours de manivelle,
Au beau milieu du Saguenay!
Et la Bête démentielle
Avait enfin succombé!

Arrivé depuis quelques marées
Du pays d'Eric le Rouge,
Le Monstre énormissime
S'était laissé sortir de l'abîme.
Défaite sans clameur
Car jamais ne put-il protester...
Nos frères des profondeurs,
C'est connu largement,
S'expriment différemment.

Ceux du Quotidien
Et ceux de la télé
Accoururent les premiers.
Ils furent unanimes:
On venait d'assister
A Sainte-Rose,
A la Descente-des-Femmes,
Chez nous , au Saguenay,
Incontestablement,
A un grand exploit!

Quelqu'une,
Pour le plaisir,
Avait tué.
Tué pour le plaisir
De passer le temps,
Le temps...
Que l'hiver passe!
Elle avait tué
Pour tuer.

Lointaine descendante
De la femme du premier homme,
En solitaire elle avait occis
Un touriste maritime,
Adepte des profondeurs arctiques,
Dont le tort irréparable
Avait été de naître requin,
Groenlandais,
Voyageur
Et affamé.

Ceux du Quotidien
De La Presse et de la Télé,
A peine arrivés,
Refilèrent la nouvelle prestement
A leurs semblables
Des cinq continents
Qui dînent de ces grandes tragédies
Et vivent de la mort d'autrui.

Les biologistes furent consultés
Et ne se laissèrent point prier.
Le Monstre avait un nom latin,
Sa chair n'était point comestible;
Ils ne l'avaient pas vu
Dans nos contrées
Depuis plus d'une décennie.
Ils en savaient très peu
Sur ces squales danois,
Qu'ils avaient peu observés,
Mais ne manqueraient pas
D'étudier celui-là,
Y découvriraient sans doute
Trop de mercure
Traces de cyanure,
Et disserteraient,
Dès lors,
Et savamment,
Sur la pollution
Du Grand Fleuve.

Ils n'osèrent se prononcer,
Cependant,
Ce n'était guère important,
Si la Bête avait trop vécu,
Et se gardèrent bien d'ajouter
Qu'elle aurait pu vivre un peu plus.
La biologie,
Science de la vie,
N'aime-t-elle celle-ci
Que lorsqu'elle n'est plus?

Par l'odeur alléché,
Le Directeur du Musée
S'amena le dernier
Et statua au petit écran:
Le Monstre,
Empaillé ou congelé,
Aurait valeur d'attraction
En ces temps de piètre économie.
La démarche,
Incontestablement,
Indéniablement,
Incontournablement,
S'inscrirait dans le noble chapitre
Du développement durable.

Il voyait le squale
Agrémenter son étal
D'armoires bicentenaires,
De bancs de quêteux,
De surplis,
D'ostensoirs,
De chasubles
Et de socs de charrue.

Un loustic s'avança alors:
Il offrit au Musée
Gratuitement,
Inconditionnellement,
Son congélateur surdimensionné!

Les fonctionnaires du Ministère
Auraient bien voulu s'en mêler!
Mais ils s'étaient emmêlés
Dans des études contradictoires
D'où ils ne purent s'échapper.

Certains docteurs de la question
Avaient conclu que ces requins
Etaient si nombreux
Que la mort de celui de Sainte-Rose
Ne constituait qu'un prélèvement
Insignifiant.
"Ils finissent toujours,
Avaient-ils doctement pontifié,
Par mourir un jour."

Quelques autres avaient balbutié
Que la population de ces grands muets
N'avait jamais été recensée
Et que la mort d'un seul
Etait une mort de trop.

Plusieurs d'entre eux,
S'autorisant de Jobidon,
Limier trop connu,
Soupçonnèrent le requin
D'avoir "trempé"
Dans l'inexpliquée disparition,
Printemps deux mil cinq,
Du chargement de fromage
Que les Boivin du rang
Avaient mis à vieillir
Dans l'abysse du Fjord.
La mort du squale,
C'était clair,
Leur ferait résoudre
Ce contentieux!

Comment peut-on pavoiser ainsi
Et se vanter de par le monde
D'avoir tué si gratuitement,
D'avoir occis pour le plaisir,
En deux mots,
D'avoir tué pour tué?

J'opine pour ma part
Que le requin du Fjord
Aurait dû vivre plus longtemps
Et que celle dont le passe-temps
Est de taquiner nos frères de l'onde
Aurait dû bien avant
Couper ce fil immonde.

C'est le cas de le dire,
La vie de la Bête
Ne tenait qu'à un fil...
Après tout, la Belle
Avait eu pour y penser
Quelques trois cent tours
De manivelle...

L'heure de gloire que j'eusse chérie
C'eut été de faire le tour du monde,
Oui! Mais pour avoir respecté la vie!
C'est ce que m'ont appris
A l'Hôtel-Dieu Saint-Vallier,
Mes trente années de chirurgie.

Delhorno

SEGREGATION

Qui a dit qu'une vie est faite d'occasions ratées? La mienne en compte plus que sa part. J'écarte tout de suite ces ratés contre lesquels on ne peut rien: ceux causés par la génétique, par la géographie, par le manque d'argent, etc. Il y a de ces occasions manquées qu'on voudrait revivre, celles où on n'a pas été à la hauteur, par couardise, par ignorance, par paresse. Je dois m'en confesser. Il y a tant de ces fois où je n'ai pas été à la hauteur. Laisse-moi, Gibus, revivre celle-ci. Ainsi aurai-je l'impression de terminer 2007 purifié; le sentiment d'avoir remboursé une dette due depuis trop d'années.

Hôtel-Dieu de Montréal. 1974 ou 1975. Peut-être 1976. Trois classes de patients chirurgicaux. La première, celle des chambres privées. Beaucoup de citoyens d'Outremont. D'habitude, les patrons se les réservent. Les résidents ne les opèrent pas, se contentent d'inscrire des notes dans les dossiers, de rédiger les prescriptions. La deuxième, celle des chambres semi-privées. Les résidents y sont rois et maîtres, mais opèrent les cas sous supervision stricte. La troisième, celle des salles. Patients qui n'ont ni argent ni assurance pour se payer le luxe de chambres privées ou semi-privées. Cet étage est mené par un chef-résident et ses sous-fifres. Ils opèrent les patients qui n'ont à peu près rien à dire... Les patrons n'entrent pas dans les théâtres opératoires, sinon que lorsqu'il y a problème majeur. Tout s'y passait bien, d'habitude. Les chef-résidents y étaient ultra-compétents, certains opérant mieux, même, que leurs patrons...

Il survint, à l'époque que je te raconte, une épidémie d'infections à Staphylocoques Dorés chez les patients dits "de salle". A peu près tous, sinon tous les opérés en furent atteints. Le chef du département de chirurgie s'arrachait les cheveux! Comment s'en sortir? Et... il y avait certainement un coupable...

Il fut trouvé prestement! Le chef-résident de la "Salle" lors de l'épidémie était un Noir, originaire de Port-au Prince. Le seul Noir de l'étage. Je tairai son nom. Ce que je n'occulterai pas, c'est qu'on l'accusa, le jugea et condamna sommairement. On lui fit reprendre son année. Sans aucune preuve d'ordre objectif ou scientifique. Nous, ses pairs, bien au fait de la méthode scientifique, des études objectives et "randomisées", ne sûmes que dire, que faire, comment réagir. On nous passa entre les pattes un procès de type "Ceaucescu" à saveur raciste et ségrégationniste. Toutes ces années, j'ai éprouvé, en y pensant, une piètre opinion de moi-même. Car "Dieudonné Jean-Pierre n'était pas seul sur cet étage. Entouré de subalternes blancs, qui s'en sortirent blancs comme neige...

Delhorno

dimanche 30 décembre 2007

HUMILIATION...

...sur fond de ski de fond.

Quelque part entre 1976 et 1985... Au fait, pourquoi a-t-on appelé le ski de fond "ski de fond"? Ski, je peux comprendre... vieux mot des lapons ou des finlandais désignant les deux planches de bois... mais Fond? Et pourquoi pas Fonds? Les Anglais disent: "Cross-country ski", ce qui me semble plus évocateur. Wikipedia n'en dit pas un mot. Le même mystère s'applique à "slalom spécial" et "slalom géant"... Qu'a de "spécial" ce slalom? Et pourquoi cet autre serait-il "géant" quand il n'y en a pas de "nain"? Et pourquoi n'y a-t-il pas de "slalom régulier" ou de "slalom normal"? Autre mystère qui me hante...

Donc, quelque part entre 1976 et 1985. Club de ski de fond "Bec-Scie". Bec-Scie, c'est le nom d'une espèce de canard qui vit en Amérique du Nord, et au Québec notamment. Mais c'est aussi le nom que certains exaltés ont donné au club de ski de fond baieriverain, c'est-à-dire l'endroit où les gens de la Baie vont faire du ski de fond en hiver. Pourquoi "Bec-Scie"? Ca n'est pas évident... C'est même plutôt obscur... Le site n'est pas réputé pour héberger une colonie de Bec-Scie. Voilà pourquoi je parle "d'exaltés"... Je n'ai pas osé utiliser le terme "hurluberlus"... Les canards ne font pas de ski de fond! A fortiori, ils s'enfuient du Bec-Scie dès les premiers souffles du vent d'hiver... Quand ils amerrissent, les canards glissent quelques centimètres sur leurs pieds palmés. Ils freinent, finalement, en marchant à petits pas sur l'eau. "Pas alternatif". Nos hurluberlus ont sans doute vu là le lien avec le ski de fond...

La rivière à Mars est éclusée au Bec-Scie. Sur plusieurs kilomètres, elle est devenue un lac, qu'on aurait pu appeler "FILIFORME". Les pistes de ski de fond sont là, tant sur la surface glacée du lac que sur ses berges. C'est là que j'ai été heureux... D'abord sur les skis de mon frère, et ensuite sur les miens. Des heures de bonheur, à glisser, regarder, humer, respirer, réfléchir.

Ce matin-là, j'étais en grande forme. Au point où je me voyais représenter le Canada aux prochaines olympiades d'hiver. Il y a un ruisseau qui se décharge dans le lac Filiforme. J'en ai oublié le nom. Je me demande si ce n'est pas le ruisseau "Frette"... Mais rien n'est moins certain. Je skiais donc sur le ruisseau Frette, en direction du lac Filiforme. Grande et fière allure. Le soleil est à son zénith, il vente un peu, je porte la veste rouge que mes parents m'ont offerte en cadeau de Noël dix ans plus tôt. Je sens tout à coup qu'on skie derrière moi. Sorte de sixième ou septième sens. La "sensation" se rapproche. J'accélère, pour ne pas me faire dépasser. Car je suis un compétiteur, je l'ai toujours été! La "sensation" souffle derrière mes oreilles! Je dois m'incliner: je fais un pas de côté, pour laisser le passage, ainsi que le commande l'étiquette. Un quidam drôlement habillé me dépasse. Je lui dis bonjour. Il grommelle une réponse en s'éloignant. Je note au passage un crissement métallique qui s'accorde au diapason du pas alternatif de ce champion olympique. Je me dis tout bonnement que sa fixation frotte... et je continue mon chemin, allègrement, quoique humilié légèrement. Cinq cent mètres plus loin, voilà mon adversaire arrêté, penché vers sa jambe droite qu'il semble examiner. Je m'arrête:
-Y a-t-il quelque chose qui ne va pas? Etes-vous blessé? Puis-je vous aider?
-J'ai un trouble dans ma jambe de bois. Mais, ça va aller, continuez votre route.

Je ne sus que rétorquer. Ca, c'était bien moi. Dépassé par un gars avec une jambe de bois! Je devais être le seul au Saguenay-Lac St-Jean à qui c'était arrivé! C'était donc ça, le crissement... Je terminai ma course, désillusionné. Adieu aux jeux olympiques!

Arrivé au chalet, n'en croyant toujours pas mes yeux, je m'enquis:
-Est-il possible que j'aie croisé en chemin un gars avec une jambe de bois?
-Certainement, c'était Rémi Tremblay, un gars de Bagotville. A perdu sa jambe dans un accident de ferme quand il était jeune. Il vient ici tous les jours.

Delhorno

vendredi 28 décembre 2007

EN DECOUDRE AVEC DEQUATRE IV

Voilà le mal qui me hante,
Chaque fois que j'aborde,
Chaque matin que j'arpente
Déquatre l'insipide.
On eut beau dire
Aux amnésiques réformateurs
Qu'à Paris, l'Hôtel-Dieu
Garde son nom
Depuis Quasimodo,
Qu'on étudie toujours
A la Sorbonne,
Que Chicoutimi
Etait déjà Chicoutimi
Quand allaita la louve
Romulus et Remus,
Que Déquatre et Cétrois
Eussent bien pu
Demeurer éternellement
L'Ange-Gardien
Ou Saint-Gabriel
Ou Saint-Camille,
Leurs noms de toujours.
Ou, faute de mieux,
Honorer la mémoire
De cette Augustine fameuse,
De ces anciens respectés,
Qui, sur cent années,
Bâtirent la réputation
De l'Hôtel-Dieu Saint-Vallier.
A un feu par quart de siècle,
Quel pompier eût pu s'y tromper?

Rien n'y fit.
On semble,
Par ici,
A chaque décade,
Effacer la précédente,
Occire le passé...
Pour recommencer.
Meurtrir la souvenance,
C'est évacuer l'Histoire!
Et... n'est-ce pas
Promouvoir l'Ignorance?

Oui, Epicure,
Mon vieux maître,
Tu avais raison,
Une des nombreuses misères
De l'ignorance,
C'est de toujours
Commencer à vivre.

Delhorno

jeudi 27 décembre 2007

EN DECOUDRE AVEC DEQUATRE III

Moi, mon préféré,
C'était Saint-Camille.
J'y laissai,
Je n'avais pas seize ans,
Août 1960,
Mon insouciance de séminariste.
Roland,
Dans la 309,
Y récupéra d'un infarctus
Qui changea notre vie...
Je jette toujours un regard furtif
Quand je croise la 309.

Il y eut aussi la 317.
Marc, malade,
De tous les maux,
Durant trois mois,
En 1988,
A l'automne.
Toutes ces chambres
Qui m'ouvrirent leur coeur,
Et me confièrent
En souffrant
Comment vivre,
Comment survivre.

La 307, mouroir
D'un petit homme,
Au début de ma pratique.
Aurai-je oublié,
L'instant venu,
Qu'il m'avait enseigné
Comment s'éloigner...

Saint-Gabriel est mon second choix.
J'y appris, à vingt-huit ans,
Le B.A-B.A. de la chirurgie.
C'est là que je vis oeuvrer
Les vieux chirurgiens chicoutimiens,
Aujourd'hui tous oubliés,
Dont je devins l'ami,
Dont j'aime penser
Qu'ils m'instituèrent
Leur légataire,
Emile
Edouard,
Claude,
Françpois,
Gérard,
Aubin.
Ceux-là me laissèrent
Grimper sur leurs épaules
De sorte que, espérions-nous,
Nous pussions
Voir un peu plus loin.
J'y reviendrai un jour.

A demain! Delhorno

dimanche 23 décembre 2007

EN DECOUDRE AVEC DEQUATRE II

Eh oui!
L'Ange-Gardien n'est plus.
Tous ont disparu:
Saint-Camille,
Saint-Gabriel,
Sainte-Anne,
L'Enfant-Jésus.
Humiliés.
Diminués.
Guillotinés.
Décapités.
Métamorphosés
En "Déquatre"
"Déhuit",
"Cétrois",
"Adeux",
Et, pourquoi pas,
Bientôt,
"Vousdeux",
"Noustrois"
Et "Parquatre"?
Sans compter "Tanguay"...
Technologie d'appoint!
Pour un peu de fric,
Huit "cans" de peinture,
Un divan,
Un mobilier de cuisine,
L'Enfant-Jésus
Aura troqué son âme
Et vendu son passé
A un vendeur de mobilier
Et d'électroménagers.
Apparemmement,
Cette néo-terminologie
Sera moins trompeuse
Pour les pompiers
En cas de feu,
Lors de cataclysmes!
Pourtant, pas un brancardier
N'est encore capable
De s'y démêler,
Malgré qu,on fit venir
D'outre-mer
Un consultant grec
Nommé Ariane
Pour installer un fil
Conducteur
Dans ce dédale
De chiffres
Et de lettres.

Même Saint-Vallier!
Le bon vieillard
Longtemps réputé
Intouchable,
Sur son rocher transi,
Dut subir le siège iconoclaste
D'étalagistes branchés
Débarqués de la grand'ville
Et, en moins d'une génération,
Fut rebaptisé "Hôpital de Chicoutimi";
Fut ensuite reconverti,
Dès l'ajout "stratégique"
De "Roland Saucier",
En "Complexe Hospitalier
De la Sagamie",
Sans doute par déférence
Aux réputés "Complexe d'Oedipe"
Et "Dépanneurs Sagamie";
Devint tout récemment
Centre de Santé
Et de Services Sociaux
De Chicoutimi.

Etonnamment,
L'observateur chevronné
Ne manque d'ironiser:
C'est toujours le bon vieil Hôtel-Dieu St-Vallier!
On y traite toujours des malades!
Seul le stationnement a changé!

...suite demain matin
Delhorno

samedi 22 décembre 2007

EN DECOUDRE AVEC DEQUATRE

"Une des nombreuses misères de l'ignorance, c'est de toujours commencer à vivre" EPICURE

A Homère, Xénophon, l'abbé Jean-Paul, Gibus, McPherson, et quelques autres...

L'aurore baieriveraine
A glissé ses doigts de miel
Sur le rocher des Augustines
Où somnole centenaire
L'Hôtel-Dieu Saint-Vallier,
Mon hôpital bien-aimé.

A ses pieds traînasse
Vers Sainte-Rose,
Sacré-Coeur
Et Tadoussac,
L'onde millénaire
Du fleuve Saguenay,
"Mare nostrum".

J'aborde à peine
L'entrée principale
Qu'une clameur soudaine
Détourne mon regard:
Un triangle de bernaches
S'époumone allègrement:
-Thalassa! Thalassa!
Je souris prestement...
Elles viennent sans doute
D'apercevoir la mer,
Là-bas, à Saint-Fulgence!
C'est sur cette batture
Qu'elles font halte,
Depuis des siècles.
Elles n'ont jamais oublié...
Je me dis encor
Qu'elles sont fort savantes
De me rappeler ainsi
Les sons de la clameur grecque,
Les mots célèbres de Xénophon,
Le reporter qui rendit fameuse
La retraite des Dix-mille.

Mon truc à moi,
C'est le quatrième.
Voilà! Nous y sommes.
"DEQUATRE".
La trouvaille ultime!
Vocable modernissime,
Dont quelque guignol
Affubla l'étage
Où guérissent mes opérés.

Déquatre, qui ne veut rien dire,
A remplacé l'Ange-Gardien,
Qui signifiait tout...
L'Ange-Gardien,
C'est l'Enfant-Jésus,
C'est la Pédiâtrie,
C'est le docteur Maurice,
C'est Aubin,
C'est Larochelle,
C'est Paradis,
La tyrosinémie,
L'acidose lactique,
L'ataxie Charlevoix-Saguenay,
Mon premier diabète juvénile,
Mes premières appendicectomies...


...la suite: demain
Delhorno

jeudi 20 décembre 2007

LE CROCHET DE GAUCHE

La réalité, souvent, dépasse la fiction... Oui, Gibus, McPhee, je ne le sais que trop bien, mon introduction frise le cliché, vous avez lu plus original! Lisez-moi bien, tout de même! Je vous laisserai conclure.

Un mercredi matin. Bloc opératoire de l'Hôtel-Dieu St-Vallier. Salle 2. Celle qu'entre toutes je préfère. Car c'est là que les vieux chirurgiens chicoutimimens m'ont laissé grimper sur leurs épaules; c'est là qu'ils m'ont légué tous leurs trucs. Le ventre de ma patiente est ouvert: j'ai complètement oublié l'objet de la chirurgie. Vous comprendrez sans doute pourquoi quand j'aurai terminé mon récit. Mon assistant chirurgical est un homme. Je n'en dirai pas plus, car je crois qu'il est encore vivant. Les assistants chirurgicaux ne sont pas légion en province, dans une ville comme Chicoutimi. Je dirais même plus: ce n'est pas un poste recherché. J'avais dû me contenter depuis plus d'un an de ce chirurgien "tabletté" qui devait s'adonner à l'assistance pour gagner sa vie. Ce n'était pas le Pérou, je vous le jure. Il était incapable de se concentrer, tenait mal les écarteurs, tremblait comme une feuille sous la brise, parlait haut et fort, de n'importe quoi et surtout de sexe, de manière indélicate, intempestive et inappropriée. Il devait penser que Viser bas, c'est viser juste! J'essayais tant bien que mal de tenir le gouvernail, d'aiguiller vers le haut-de-gamme ses sujets de conversation, avec peu de succès. Certes, j'aurais pu le congédier; plusieurs me l'avaient conseillé. Je m'étais dit que chacun doit porter une croix dans sa vie et qu'endurer cet assistant serait la mienne. Il pourrait ainsi finir sa vie honorablement et se payer quelques douceurs.

Ce matin-là, mon assistant était particulièrement volubile. Il opinait sur tout, enterrait toutes les conversations de sa voix d'outre-tombe. Moi, j'opérais tout doucement, lentement, comme je l'ai toujours fait, peu attentif aux élucubrations de mon hurluberlu. N'aperçoit-il pas, au-dessus du champ anesthésique une jeune étudiante d'à peine vingt ans, belle comme une déesse, des yeux qui vous font faire le tour du monde. Il se met aussitôt, sans pudeur aucune, à lui faire la cour, par champ opératoire interposé, d'une façon si inconsidérée, que tout le monde dans ma salle est mal à l'aise, en commençant par la jeune fille.

-Laisse-là donc tranquille! badiné-je en direction de mon Roméo. Comment peux-tu penser qu'elle puisse s'intéresser à un dinosaure comme toi?

Je badinais réellement, espérant par surcroît mettre un frein à ce spectacle peu relevé.

Roméo avait lâché ses écarteurs! Je ne pouvais plus opérer. Je lui demandai donc:
-Pourrais-tu, s'il te plaît, replacer tes écarteurs?

C'est à cet instant précis qu'il dégaina son crochet de gauche. Je ne le vis jamais venir. Par-dessus le ventre ouvert de la patiente. Il m'atteignit sur la joue droite, sans réellement me faire de mal.
-Ca fait un mois que tu m'écoeures, Delhorno, j'ai mon voyage!

Ce furent les seules paroles qu'il sut dire. Il se déganta et s'enfuit du bloc, de l'hôpital, de mon univers. Tous ceux qui orbitaient autour de la malade restèrent figés, moi le premier. Je me rappelle très bien avoir ainsi cogité:
-Faut-il que je pleure? Je n'ai pas de mal. Faut-il que j'arrête d'opérer? Non, je puis fermer cet abdomen sans problème. Faut-il que je cesse d'opérer pour la journée. Non, je me sens très bien.
Le personnel s'enquit de ma personne: je n'avais rien à dire. Je me souviens très bien avoir alors remercié le ciel de m'avoir débarassé de cette nuisance qu'avait été Roméo. Les dieux, sans nul doute, avait noté le calvaire que j'endurais et avaient réglé mon problème. La porte de la salle s'ouvrit alors:
-Claudio, les autorités du bloc m'ont demandé de venir t'aider!
-Ca me fait grand plaisir! Viens-t-en!
Elle était la meilleure assistante chirurgicale au nord du Rio Grande. Il y avait des années que je souhaitais sa venue dans ma vie de chirurgien. C'était toujours impossible.

Je portai plainte contre Roméo. A la police de Chicoutimi, au Collège des Médecins, au Conseil des Médecins et Dentistes. Les semaines passèrent... Quelques mois plus tard, je reçus un appel téléphonique inopiné d'une psychiâtre de l'autre côté de la rivière. Schizophrénie, depuis plus de trente années, ce qui expliquait bien des choses: l'arrêt de la chirurgie, les propos inappropriés, la vie en marge... Quelques semaines avant le mercredi du crochet de gauche, il avait abandonné sa médication. Je me souvins alors que mon personnel avait noté durant ces quelques semaines qu'il "empirait".

-Le matin du crochet de gauche, Claudio, il était en plein délire paranoïaque!

Le Procureur de la Couronne, le Président du Conseil des Médecins et Dentistes ainsi qu'un Apparatchik du Collège me contactèrent: il fallait que je mette fin aux plaintes pour cause de... Je m'inclinai.

Non, je ne souffre pas de séquelles d'importance. Je n'ai pas vécu le syndrome de stress post-traumatique. La seule anomalie que j'aie notée, elle survient le mercredi matin quand mon assistante se pointe dans ma salle. Derrière mon masque, béatement, je me mets à sourire et mon cerveau se dit à lui-même:
-ELLE VALAIT BIEN UN CROCHET DU GAUCHE.

Concluez donc, Gibus et McPherson!

DELHORNO

mercredi 19 décembre 2007

LE PIF

Certains appellent ça le SIXIEME SENS. Les mères disent que c'est un don attaché à la MATERNITE. D'autres parlent de PREMONITION... Quelques-uns voient du SURNATUREL dans l'affaire, vont jusqu'à parler d'ANGE GARDIEN...

Permets-moi, McPhee, de te raconter une histoire qui pourra te sembler banale. Pourtant, elle ne l'est point. Je l'avais oubliée: une conversation aujourd'hui me l'a remise en mémoire. Je me suis aussitôt dit qu'elle ferait le sujet de mon blogue.

Il y a de ça deux ou trois ans. Ses filles sont venues me voir. Il avait un cancer de l'estomac: elles me demandèrent de l'opérer. Je connaissais ces deux dames depuis plusieurs années, car elles travaillent dans mon hôpital. L'homme, maigre, était un sujet chirurgical idéal. La gastrectomie totale (ablation complète de l'estomac) fut faite à la perfection. Monsieur Tremblay retourna chez lui continuer à vivre...

Quelques mois plus tard, ses deux filles réapparurent à mon bureau: leur père venait de faire un accident vasculocérébral et, ne pouvant plus déglutir, avait besoin qu'on lui confectionnât une jéjunostomie (placer un tube dans une des premières anses du petit intestin) à des fins de nutrition, le temps que le cerveau récupérât. Evidemment, elles me demandèrent d'opérer leur père encore une fois. J'acquiesçai.

Nous étions deux pour faire l'intervetion. Tu dois savoir, McPh, que depuis cinq ou six ans, les dieux m'ont accordé la meilleure assistante chirurgicale qui se puisse trouver au nord du Rio Grande! Elle m'est comme tombée du ciel un certain matin, je te raconterai ça un de ces jours.
Nous réouvrîmes donc l'incision abdominale antécédente et la chirurgie fut faite dans les règles de l'art, pour employer un cliché suranné. J'en oubliai même le patient tout de suite après l'intervention. Le soir-même, je m'endormis du sommeil du...

A quatre heures et demie du matin, je m'éveillai en sursaut: un pensée claire, nette et unique occupait tout mon cerveau, envahissante, pressante, inébranlable:
-Claude, tu as oublié de refermer le petit trou jéjunal qui t'a servi à introduire le cathéter de jéjunostomie. Monsieur Tr. va mourir de péritonite si tu ne vas pas tout de suite le réopérer.

Je me levai en coup de fusil, m'habillai à la vitesse de l'éclair. Quelques minutes plus tard, j'étais sur l'étage des opérés.
-Docteur, je ne vous ai pas appelé, me dit l'infirmière de nuit
-Je ne suis pas sans l'ignorer, Madame. Cependant, il me faut réopérer monsieur Tremblay sur-le-champ, car quelque chose cloche.
-Pourtant, il a dormi toute la nuit, sans quelque anomalie que ce soit!

Je ne savais trop si je devais expliquer à cette infirmière la pensée claire et nette qui envahissait mon cerveau... Je signai la requête opératoire, j'appelai l'infirmière du bloc, l'anesthésiste arriva, endormit le patient et je réouvris l'incision. Effectivement, j'avais oublié de refermer la petite incision jéjunale... Je la cousus, donc, et replaçai les viscères en bonne position. Vingt minutes plus tard, monsieur Tremblay dormait en salle de réveil. J'avais avisé une des filles avant l'intervention:
-Je crois avoir oublié de refermer une petite incision intestinale; il faut la fermer tout de suite, car ça peut être léthal. Je dois donc réopérer votre père instamment.

La suite fut banale. Il guérit de tout ça sans séquelles, sans complications, et nous pûmes le nourrir à l'aide de sa jéjunostomie. J'en reparlai avec mon assistante la semaine d'après; elle m'aurait certainement averti sur-le-champ que le trou jéjunal n'avait pas été fermé! Elle n'avait aucun souvenir de tout ça, ne se rappelait pas même que nous avions fait ce petit trou!

Voilà! McPhee. Connais-tu le mécanisme qui m'a fait me réveiller en sursaut ce matin-là, alors que je m'étais couché la veille avec la certitude du devoir accompli, sans aucun doute sur la qualité de mon intervention chirurgicale. Intervention surnaturelle du bon Dieu des gars de la Baie? Bonne réflexion!

Delhorno

mardi 18 décembre 2007

SAYING GOODBYE...

...TO THE PAST IS ALWAYS A SIGN OF A NEW BEGINNING.

Lu chez Al's Pizzeria. Campbellton, dimanche soir le 7 juillet 2007. Sur une photo d'une vieille maison dont le toit est enfoncé sous le poids de la neige. J'ai recopié la citation machinalement dans mon Moleskine, en prévision d'un futur et hypothétique usage. C'est aujourd'hui le jour! J'ai vu mes derniers patients au bureau ce matin! Jocelyn Dubé, Hélène Laporte, Jocelyne Bergeron, Micheline Tremblay, Madeleine Tremblay. Le Frère Untel sera fier de moi... car je pense quitter avec désinvolture. Ce mot me plait. "Qui est dégagé, naturel, à l'aise." Il me reste deux opérations à faire mercredi: un collègue avec hernie inguinale, une infirmière retraitée, Colette, une hémicolectomie. Vendredi, dans trois jours, dernière garde. Je terminerai tout ça dans la province voisine, ce que je n'avais aucunement escompté, comme un vétéran hockeyeur de 37 ans qu'on échange en fin de carrière... Tout ça avait commencé en 1976, quelques jours avant Noël. Mes deux premiers cas comme patron? Une vieille madame de Bagotville: obstruction intestinale par bride. Quelques semaines plus tard, elle m'apportait une belle grosse truite. Une gastrectomie pour un gros ulcère. Elle mourut quelques mois plus tard d'un thyroïdopathie. Je me souviens avoir marché de la COOP jusqu'à l'hôpital en 1976. J'étais tellement fier de ce qui m'arrivait. Je ne serai pas moins fier de quitter... avec désinvolture.
Delhorno

lundi 17 décembre 2007

CONTE DE NOEL

23 décembre 2000. Roland Tremblay enleva ses gants de chirurgien ainsi que sa blouse. Il signa le relevé opératoire, le compte-rendu pathologique et, lourdement, alla quérir le dossier, qui dormait sur la table de l'anesthésiste... Il se sentait fatigué. Vingt-cinq ans plus tôt, il était arrivé jeune et fringant à l'Hôtel-Dieu St-Vallier.
-Le temps m'a rattrappé, pensait-il.
Il rédigea ses ordonnances et se dit qu'il irait trouver sa femme à la maison. Ils allumeraient un feu de foyer, mangeraient un peu et se prépareraient à accueillir les enfants, qui, à Québec, Montréal et Sherbrooke, s'essayaient à voler de leurs propres ailes. Comme il revêtait ses habits de rue, une voix qu'il détesta grésilla dans le système sonore du vestiaire:
-Le docteur Roland Tremblay est demandé urgemment dans la salle six!

Roland Tremblay était le chef du service de chirurgie digestive de l'Hôtel-Dieu Saint-Vallier, depuis plus de cinq ans alors. La dernière année avait été pénible. La Régie Régionale avait imposé une fusion des services chirurgicaux des hôpitaux de Jonquière et de Chicoutimi. Il s'était opposé à ce mariage qui lui rappelait la fable du Pot de Terre et du Pot de Fer... Il n'avait jamais pu divulguer publiquement les véritables motifs qui lui faisaient rejeter une telle union... Il avait dû affronter l'opprobre de l'opinion publique, les vociférations des syndicats jonquiérois et le mépris non-déguisé des apparatchiks de l'Hôpital de Jonquière. Il se sentait si fatigué...

Il remit son habit vert, se rendit dans l'antichambre de la salle six, attacha son masque et se lava les mains, machinalement, consciencieusement, comme il l'avait fait les trente dernières années. La porte adjacente s'ouvrit tout doucement: Louise Brind'Amour, la responsable de la salle, vint lui susurrer:
-Docteur Tremblay, c'est docteur Savard qui vous a fait venir. Il terminait une cholécystectomie laparoscopique, il avait l'air au-dessus de ses affaires, blaguait avec le personnel et... tout à coup, il se rendit compte qu'il avait sectionné le cholédoque.
-Es-tu certaine de ça, Louise?
-C'est ce que l'anesthésiste a vu sur l'écran, en tout cas!

Roland Tremblay se mit à blasphémer intérieurement
-Encore un après-midi de congé de sauté, maudit cr.... de câ... de tabarn...

Ce Savard était l'un de ces chirurgiens jonquiérois que Tremblay avait dû accepter contre son gré. S'était entraîné dans un hôpital universitaire de Montréal, où il avait pratiqué quelques mois. S'était ensuite exilé dans un bleb du Témiscaminque, où son séjour n'avait pas duré, pour des raisons jamais divulguées. Avait ensuite travaillé en Gaspésie, puis sur la Côte Nord et , finalement, avait abouti à Jonquière, où on le présentait comme le sauveur du bloc opératoire. Tremblay l'avait vu opérer un soir de novembre, quelques semaines auparavant: Savard était un maladroit, un intempestif, qui opérait comme une charrue John Deere. Il arrachait tout! Tremblay l'avait vu déchirer un uretère ce soir-là et lui avait enlevé les ciseaux des mains. L'haleine de Savard, ce soir-là, sentait le Bordeaux.

La bourde n'était pas qu'une bourde: c'était une réelle catastrophe. Tremblay se dit qu'il était bien vrai que la réalité dépasse la fiction. Savard avait sectionné le cholédoque tout près du duodénum, pensant qu'il avait affaire à un canal cystique bas implanté; puis il avait sectionné le canal hépatique commun tout près du hile hépatique, pour une raison indéterminable. Finalement, il avait mépris l'artère hépatique droite pour l'artère cystique et l'avait donc ligaturée à la bifurcation. Le foie n'était donc plus irrigué que par l'artère hépatique gauche... Il fallait pratiquer une anastomose jéjunohépatique haut située dans le hile... Tremblay ne se sentait pas la force d'entamer une chirurgie de quelques heures, d'autant plus qu'il ne l'avait jamais faite auparavant. Comment s'en sortir? Il se déganta et invita Savard à le suivre au salon des chirurgiens. La conjoncture n'était point propice à l'engueulade, aussi se tut-il. La patiente n'avait pas quarante ans, mère de quatre enfants.

-C'est un tel accident chirurgical qui avait mis fin à la carrière politique du premier ministre britannique Anthony Eden, se rappela Tremblay.

-Ecoute, Maurice, je ne me sens pas la force d'entreprendre un tel chantier. D'autre part, mal faite, cette opération risque de briser la vie de cette madame et de cette famille. Deux options, à mon avis, se présentent: soit transférer la patiente à l'Hôpital St-Luc à Montréal, soit faire venir ici l'un des chirurgiens biliaires de cet hôpital. La deuxième option, Tremblay ne voulait pas y croire. Les chirurgiens des gros hôpitaux universitaires sont souvent des prima donna qui lèvent le nez sur les collègues de province. Quelques années auparavant, il avait avait invité un chirurgien de l'Hôtel-Dieu de Montréal à venir pratiquer une surrénalectomie laparoscopique à Chicoutimi: il avait été éconduit prestement et s'était juré qu'on ne l'y reprendrait plus.

Savard ne dit mot. Tremblay prit le téléphone, appela à St-Luc et demanda à parler à Antoine Guillemette, qu'il connaissait bien. Celui-ci répondit aussitôt. Tremblay lui expliqua. Guillemette avait tout compris:
-Je me rends à Dorval tout de suite. Réserve-moi un siège sur le vol Montréal-Bagotville qui part à 16 heures!

Tremblay savait ce qu'il lui fallait faire. Il appela aussitôt Phonsine Nadon de l'Agence de Voyages Tournesol, une "p'tite vite" qu'il connaissait bien. Aussitôt dit, aussitôt fait. Guillemette arriverait à Dorval, une place l'attendrait sur le vol 3268 d'Air Canada.

A 17hi5, Roland Tremblay vit sortir Antoine Guillemette de l'entrée principale de l'aéroport de Bagotville. Ironie du sort, Tremblay conduisait un minivan rouge, rouge comme Noël, pensait-il, et voilà mon père Noël! Il cueillit le chirurgien montréalais, le déposa devant l'Hôtel-Dieu St-Vallier, où Savard l'attendait.

Madame Gabrielle Morin fut opérée par un artiste de fort calibre. Savard tenait les écarteurs et Roland Tremblay observait, succionnant de temps en temps. L'artère hépatique ne put être réparée; ils savaient cependant qu'une ligature d'une des deux artères hépatiques n'est pas léthale et est bien tolérée, habituellement, par les patients. L'anastomose hépaticojéjunale fut confectionnée parfaitement.

Trois heures plus tard, dans la vieille salle du restaurant Chez Georges, rue Racine, à Chicoutimi, les fêtards de Noël pouvaient observer un trio disparate et inhabituel. Certes, Roland Tremblay n'était pas un inconnu en ce lieu.
-Qui sont ces deux étrangers qui mangent du filet mignon avec docteur Tremblay?

Gabrielle Morin, comme si rien n'était arrivé, se rétablit rapidement de son opération. On ne sut jamais si Maurice Savard lui avait expliqué ce qui s'était passé. Les infirmières chuchotaient dans le couloir que madame Morin demandait pourquoi son opération avait duré si longtemps, pourquoi ne l'avait-on pas retournée à la maison le même jour, pourquoi...

Le 24 décembre au matin, un minivan rouge, rouge comme l'habit du Père Noël, se gara devant l'Hôtel Montagnais, boulevard Talbot. Il était six heures moins quart. Un quidam s'engouffra dans le minivan rouge, qui repartit sur-le-champ vers l'aéroport de Bagotville. Le même quidam embarqua sur le vol 3269 d'Air Canada Bagotville-Montréal/Dorval.

Le conducteur du minivan rouge reprit le chemin de Chicoutimi.


Delhorno

dimanche 16 décembre 2007

SANTO DOMINGO III

Il y a de l'insolite dans l'air ce matin, jeudi... Nous ne retournerons pas à Sosua en autobus! Discussion avec Félix. Il nous propose un tour de la ville nouvelle avec arrêt au Musée de l'Homme Dominicain, puis un autre petit tour de ville qui se terminera à l'Aeropuerto Isabela...

La minivan embarque donc sur le Malecon, grand boulevard qui serpente le long de la mer des Caraïbes en direction de l'ouest, vers Haiti. Fort pittoresque, le Malecon. Félix me signale que "Malecon" veut aussi dire "gai" en espagnol. Il nous amène à l'endroit où le dictateur Trujillo fut assassiné: un monument d'aspect sinistre y a été érigé. Heureusement, le soleil et la mer nous font oublier la morbidité du lieu.

MUSEE DE L'HOMME. Selon le Routard, c'est "le" musée à visiter à Santo Domingo. Nous y voici donc. Le premier étage est en réparation. Le deuxième sert à l'administration. Ce sont les troisième et quatrième étages qui importent. Les Indiens Taina occupaient l'île à l'arrivée des Conquistadores. Ils se trouvaient aussi à Cuba et à Porto Rico. Ils étaient plus de 60,000. Les Espagnols voulurent les "domestiquer" et les employer à rechercher de l'or. Les indiens étaient rébarbatifs; plusieurs s'enfuirent, plusieurs furent tués, plusieurs succombèrent aux maladies apportées par les Conquistadores. Au bout du compte, vingt-cinq ans après la conquête, les Taina étaient disparus! Leur langage aussi! Plusieurs vocables Taina sont encore utilisés aujourd'hui: MAÏS, TIBURON, TABACO. C'est, en gros, ce que j'ai retenu de ma visite au Musée de l'Homme. Il y a, devant le musée, une statue représentant le moine De Las Callas, qui, apparemment, aurait été un grand défenseur des Indiens Taina. Suis ressorti triste de ce musée. Car il y a eu à proprement parler un GENOCIDE en Hispanola. J'y ai lu que Christophe Colomb était obnubilé par la recherche de l'ELDORADO et fort peu concerné par le sort des Indiens. On rapporte que ceux-ci étaient pacifiques, peu agressifs, et que c'est ce qui a entraîné leur diaparition.

PALAIS PRESIDENTIEL. De toute beauté. Très bien entretenu. La plus belle architecture de toute la République Dominicaine, selon Félix, qui nous montre en outre le quartier des ambassades et des immeubles ministériels. On s'y crorait en Floride ou en Espagne, si nous n'avions pas noté les bidonvilles qui ceinturent le coeur de Santo Domingo.

AEROPUERTO LA ISABELA. B., dès le premier jour, soulignant la longueur du trajet en autobus, avait émis l'hypothèse d'un retour de type "aérien". "IL NE FAUT PAS REFUSER L'INSOLITE QUAND IL SE PRESENTE", c'est d'Agatha Christie. Nous voilà donc, dès mardi après-midi, en train de négocier un retour en avion! La compagnie intérieure dominicaine se nomme CARIBAIR. Elle vole à partir d'un petit aéroport privé au nord-est de SD. C'est donc là que Félix nous dépose. On nous traite en jet-setters dès notre arrivée. Un miniautobus nous amène à l'appareil, un Cessna à deux moteurs, 6 ou 7 places. Décollage aussitôt. Vol sans histoire, par un beau soleil. Atterrissage à Puerto Plata et sortie "incognito" sur le stationnement où nous attend Olivier. A 15 heures nous débarquons à Marysol, ultrafiers de notre décision.

POSTMORTEM:
1. L'Hôtel Frances est magnifiquement et stratégiquement situé. C'est là qu'il faut aller. Style colonial, petit, peu dispendieux. L'accueil est impeccable.
2. Il faut visiter l'Alcazar.
3. Vous serez déçu par le Faro de Colon, mais il est quasiment incontournable. Surtout, il ne faut pas comparer avec d'autres pays.
4. Le Routard a raison quand il écrit que le Musée de l'Homme Dominicain est le meilleur musée de SD.
5. Il faut marcher l'avenue Conde: elle est la Rambla de SD.
6. Los Tres Ojos ne peut être comparé au cap Trinité, c'est vrai. Mais je ne regrette pas d'y être allé. Conseillé par le Routard, en passant.
7. Il y eut un génocide à Hispanola. Sous l'égide de Colomb et des Conquistadores. Je me suis demandé, voyant les richesses du vieux Madrid, comment les Espagnols avaient pu amasser tout ça. Je le sais maintenant: ils ont vidé les Caraïbes, le Mexique, l'Amérique Centrale et l'Amérique du Sud. Sans oublier le rôle de l'Eglise...
8. "Christophe Colomb fut le premier socialiste: il ne savait pas où il allait, il ignorait où il se trouvait et il faisait tout ça aux frais du contribuable." Winston Churchill
9. Le Routard, dérisoirement, de Christophe Colomb: "Totophe l'Ubiquiste" -allusion au fait qu'il semble enterré dans 5 ou 6 villes d'Europe et du Nouveau-Monde.
10. Le trajet Sosua-Santo Domingo, en autobus, est vraiment long. Peu pittoresque, par surcroît.
11. Visiter Santo Domingo avec un Taxista Turistico: peu dispendieux, ils ont suivi des cours et nous montrent une "tarjeta" le confirmant.

HASTA LA PROXIMA! DELHORNO

SANTO DOMINGO (SUITE)

Mercredi matin. Lever et déjeuner "regular", comme dirait notre voisin Buruka. Jasette avec le commis de faction... Ils ont à leur service un "Taxista turistico", Félix. Nous convenons avec lui d'aller visiter le "Faro" et "Los Tres Ojos". Départ vers 9h. dans un minivan un peu défraîchi, mais tout à fait confortable, ma foi. Nous traversons la fameuse rivière vers l'est.

Le FARO est sis sur une esplanade, de laquelle nous avons vue sur la mer des Caraïbes, direction sud. On l'a érigé en hommage à Christophe Colomb, pour avoir découvert l'Amérique. L'ensemble architectural n'est pas très spectaculaire ni très beau, à vrai dire. Surtout si l'on compare... Cependant, pour la République Dominicaine, ça me semble un bel effort. Un vingtaine de pays ont participé. Rappel historique. Le Pape, à cette époque, autorisait les expéditions de découverte! Presque tous les documents exposés sont des photocopies d'originaux à qui on n'a pas permis la traversée de l'Atlantique... La prestation canadienne est fort humble. Au point que nous en avons un peu honte. Le plus bel effort? Cuba. Ils exposent une longue pirogue Taina -près de trente pieds- obtenue d'un tronc d'arbre. Semble d'époque. Visite faite "à la sombrette", car il n'y a pas d'électricité ce matin.

Félix nous amène ensuite voir LOS TRES OJOS (les Trois Yeux). Il s'agit de trois lacs souterrains. L'un d'entre eux communique avec la mer. L'autre est teinté en vert. J'en ressors avec des appui-livre! Fr. aussi!

L'avenue Conde est l'artère commerciale de la vieille ville. Piétonnière. C'est là que nous dinons. Nous la parcourons ensuite, histoire de prendre le pouls des lieux. Ce n'est pas la Rambla de Barcelone! Pas très loin, sur une avenue parallèle, découverte d'un petit atelier de figurines en porcelaine. Se nomme ELISA. Fr. tombe en amour avec une figurine représentant une femme allaitant un bébé. Déjà vendue... Ils en ont fabriqué 125 et les ont tout vendues. Les artistes sont à l'oeuvre, fort sympathiques, fort habiles. Ca me rappelle une visite faite chez Lladro, à Valence.

Fatigue, fatigue. Sieste au FRANCES. Nous souperons ce soir au Hard Rock Cafe, tout juste en face du Parque Colon.

Je te reviens demain, Gibus.
Delhorno

samedi 15 décembre 2007

SANTO DOMINGO

Nous y serons allés... Première ville des Amériques, selon les standards des colonisateurs, évidemment. Car, ne pas l'oublier, on y vivait déjà, avant l'arrivée des Conquistadores. Les Indiens Taina.
Départ, donc, à 6h30 du matin, de Sosua, plus précisément de Los Charamicos. Autobus ultramoderne de Caribe Tours. L'air est "maximalement" conditionné! On y gèle! Arrêt à Santiago. Entrée à SD vers 11h30. Taxi jusqu'à l'Hôtel Frances, stratégiquement situé, en plein coeur de la vieille ville. Nous entamons aussitôt une visite pédestre des alentours, car nos chambres ne sont pas encore prêtes.
1. Alcazar. Tout y est d'époque. Ce dont je me souviendrai? L'emplacement stratégique dans l'estuaire de cette rivière dont j'oublie le nom. Encore? Les bancs aux fenêtres, qui permettent de se rafraîchir!
2. Musée maritime. Fermé en raison de travaux. Classé dans le chapitre des occasions ratées.
3. Ruines de San Francisco. Premier monastère d'Amérique. Ruines semblables à celles que j'ai visitées à Antigua de Guatémala.
4. Vieil Hôtel de Ville. Tout blanc. Près du Parque Colon, sur Conde.
5. Cathédrale Santa Maria de l'Incarnation. Jouxte le Parque Colon. Y sommes entrés. Nous avons tellement visité de vieilles cathédrales ces dernières années, que j'en ressors un peut désabusé. En reparlerons un peu plus loin.
6. Parque Colon. Coeur de la vieille ville. Aussi vieux qu'icelle. Dieu que je m'y sens bien
7. Zumo de naranja. Sous un arbre centenaire qui borde le Parque. Je demande au serveur le nom de cet arbre: "Alamo africano", me répond-il, "vieux de plus de cent ans". J'ouvre mon dictionnaire... Alamo, c'est un peuplier! Ses feuilles sont bien celles des peupliers de chez nous!

Nous irons souper ce soir-là au restaurant La Briciola, sur Arzobispo Merino. Restaurant italien recommandé par Le Routard et Annie. C'est un enchantement. "Comida" haut-de-gamme. Les tables sont éparpillées dans un préau orné de fleurs et de lumières. Il ne pleuvra pas de tout le souper. Fr. n'oubliera jamais sa salade César et Bé. son pianiste... Moi, c'est le dessert qui me restera! Fraises et crème glacée. Ça semble banal, je le sais, mais je n'en ai jamais mangé de meilleur!

Retour à pied à l'hôtel. Nous sommes vannés. Nuit sans histoire.

Je vous reviens demain pour la suite! Delhorno

lundi 29 octobre 2007

PANNE D'INSPIRATION

Je ne suis pas à court d'idées précisément. J'aimerais disserter sur Mario Dumont, la girouette nationale, sur madame Marois et son projet de loi, sur tous les cons que j'ai croisés depuis trent-cinq ans, sur les erratiques que j'ai connus, sur mes bons coups, sur mes mauvais coups, mes humiliations, mes envols. J'en aurais trop à dire pour ce petit cadre. En effet, comme au soccer, il me faut "cadrer" mon lancer. Laisse-moi donc, cher McPhee, te présenter quelques bijoux que j'aurais bien aimé avoir trouvés moi-même:
1. LES PERLES BLANCHES
SUR MES MANCHES TOMBEES
QUAND LE COEUR ENCORE PLEIN
NOUS NOUS QUITTAMES
JE LES EMPORTE
COMME UN SOUVENIR DE VOUS. Kokinshu

2. L'INTELLIGENCE: "CE N'EST PAS UN DON SACRE, C'EST LA SEULE ARME DES PRIMATES." Muriel Barbery

3. NOUS SOMMES TOUS DANS LE CANIVEAU, MAIS CERTAINS D'ENTRE NOUS REGARDENT LES ETOILES. Oscar Wilde

4. LES OIES FONT SUREMENT MOINS DE SOTTISES QU'ON N'EN ECRIT AVEC LEURS PLUMES. Talleyrand

5. DE TEMPS EN TEMPS LES HOMMES TOMBENT SUR LA VERITE; LA PLUPART SE RELEVENT COMME SI RIEN N'ETAIT. Winston Churchil

Salut McPh! Delhorno

samedi 27 octobre 2007

DERNIERE ESCALE

C'est, mon cher Gibus, le titre du dernier volet des mémoires de Jean-Paul Desbiens, alias Frère Pierre-Jérôme, alias Frère Untel. Il est décédé le dimanche 23 juillet 2006. A l'hôpital Laval. Allait avoir 80 ans. D'un cancer du poumon. Gros fumeur. On l'avait "décompté" -il n'avait pas 30 ans-tuberculose pulmonaire. Dernières années misérables: MPOC, hernies discales lombaires, mal partout.
J'en parle d'abondance, car il fut l'une de mes idoles. Tout ça commença avec "Les Insolences". Mon père lisait "Le Devoir". Je l'ai toujours admiré pour ça, en passant, car il était à peu près inculte... Il me présenta Untel par ses lettres au journal. Début des années 60. Le livre entra dans notre maison dès sa parution. Et je rejoue encore dans ma tête l'interview à Radio-Canada. On le perdit de vue par la suite: études en Europe, Ministère de l'Education. Avait enseigné à Chicoutimi, en passant!
Je le retrouvai à La Presse, à une époque où j'étais trop occupé pour y mettre du temps.
Curieusement, à chaque fois que je partais en vacances, Untel venait d'achever un pan de ses Mémoires! J'achetais donc le livre et je le lisais sur les plages des Caraïbes. Je crois avoir tout lu ou presque de ce qu'il a écrit depuis 20-25 ans.
Tu ne seras donc pas étonné, Gibus, que j'aie adressé un petit mot au Quotidien au lendemain de son décès.
Jean-Paul Desbiens aura été, à mon sens, un des grands intellectuels québecois. Gros jugement, culture inégalée. Pragmatisme, aussi. Écrivait bien, "à la hache". Catholique convaincu, il va sans dire. Amour des mots, de notre langue. Un gars de chez nous, finalement. Je te retranscris quelques-uns des "bons" passages qu'il m'a légués dans DERNIERE ESCALE.
1. La plupart des choses du monde se font par elles-mêmes. Montaigne.
2. Le plus difficile, le vrai test, c'est de se retirer avec grâce, avec désinvolture, puisque c'est le mot qui convient. Untel
3. C'est au moment où l'on saurait vivre que l'on meurt. Bergson
4. On se lasse de tout, sauf de comprendre. Untel
5. J'irais au bout du monde pour un bout de conversation. B. D'Aurevilly
6. Viser bas, ce n'est pas viser juste. Untel
7. On a le droit de tout penser. Tout dire, c'est autre chose. Philippe Bilger
8. Il ne suffit pas d'être pauvre pour avoir raison. Untel
9. La justice n'est ni la vengeance, ni l'égalité. Thibon
10. Yanqui go home and take me with you. Graffitis en Colombie.
11. Tais-toi, ou dis quelque chose de meilleur que le silence. Pythagore
12. Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. Guillaume d'Orange, dit le Taciturne.

Voilà! Delhorno

lundi 22 octobre 2007

L'AMERIQUE FRANÇAISE

Mon ami Sarrazin, encore une fois, a piqué ma curiosité. J'ai visité le site des Archives du Petit Séminaire de Québec. On y trouve beaucoup de choses... Mais je n'ai pas manqué de noter que l'Évêque de Québec. avant 1700, avait envoyé des missionnaires dans une bourgade du Kentucky ou du Missouri pour évangéliser. Le village était sis sur les rives du Mississipi et longtemps il fut un incontournable dans la région. Aussitôt mon "rétrospectroscope" s'est mis à cogiter, et je n'ai pu l'empêcher!
J'ai vécu au Minnesota, à Minneapolis, en 1972 et 1973. J'y étudiais, mon cher Gibus! Mais je n'ai jamais oublié que j'habitais le Hennepin County (en souvenir du Père Hennepin, un missionnaire français), qu'il y avait une rue Jolliet et une avenue Marquette, deux noms de chez nous, que tu devrais connaître...
Plusieurs années plus tard, j'ai acheté un livre d'un journaliste de La Presse en poste aux États-Unis qui traitait de la découverte de l'Orégon par l'armée américaine. Le détachement suivit la rivière Missouri pour ensuite déboucher sur la tête du fleuve Columbia. Savez-vous qui guidait l'officier américain? Un coureur des bois canadien-français dont j'oublie le nom et qui connaissait toutes les tribus indiennes des environs ainsi que le cours du Missouri.
Il y a tant d'autres détails qu'il faut savoir...
Le drame de Félix-Antoine Savard "La Dalle des Morts" relate incidemment un voyage d'un coureur de bois dans le nord-ouest américain. Tout le monde a oublié cette pièce! Moi, il me reste en mémoire ces mots du Huard: "Les petits canadiens français ont besoin d'entendre dire que ce continent fut d'abord et avant tout français et que leurs ancêtres, avec des moyens dérisoires, y ont bâti un empire qui a peu d'équivalent dans le monde moderne." Inutile de te dire, Gibus, que je tressaille quand j'entends Menaud (deuxième surnom de monseigneur Savard) marteler ces mots dans mon souvenir.
Delhorno

vendredi 19 octobre 2007

AU PAYS DU CHIAC

Je suis au fond de la baie des Chaleurs, pas très loin de l'endroit où la bataille de la Re(i)stigouche a eu lieu. On m'a raconté que les trois bateaux français -l'un s'appelait le Bienfaisant- jouaient au chat et à la souris avec les frégates anglaises, beaucoup mieux armées, mais aussi avec un plus fort tirant d'eau. Les vaisseaux français purent ainsi s'avancer davantage dans l'estuaire de la Restigouche... Mais leur parvint alors la nouvelle de la défaite de Montréal, et ils se sabordèrent. Les vestiges des vaisseaux furent retrouvés et sont exposés au musée de Listiguj, laquelle est aussi une réserve indienne (MicMacs).
On penserait que c'est un pays anglais et c'est tout le contraire qu'on rencontre. Les Acadiens ne semblent pas parler français, ils vous saluent, vous servent en anglais, et tout à coup, quand ils s'aperçoivent qu'ils s'adressent à des semblables, ils vous sortent leur trésor, comme d'une huître: le CHIAC. Le CHIAC, c'est d'abord un accent, puis un mélange de vieux français, d'anglais et de français moderne. Ils routent les "R", et chantent en parlant. Ils ajoutent à tout cela, une simplicité, une bonhommie qui vous mettent à l'aise tout de suite.
Plusieurs acadiens se sont anglicisés... Rosie Lapointe me demanda de lui parler en anglais: je fis tout un saut! Ne parler qu'anglais avec un tel nom... Je me suis abstenu de juger... Plus jeune, j'aurais sans doute méprisé. Puis, je me suis dit que le prix de la survie, c'est le CHIAC pour un grand nombre, l'anglicisation pour le restant.
On me dit que le nord du Nouveau-Brunswick est en train de se franciser! Que les anglophones tendent à migrer vers le sud, vers Fredericton et Saint-Jean. L'Hôpital de Campbellton, c'est un hôpital bilingue, oui, mais tout s'y passe en français, et c'est rempli de médecins québécois.

Mes trouvailles de ce séjour?

1. "Le plus difficile, le vrai test, c'est de se retirer avec grâce, avec désinvolture, puisque c'est le mot qui convient." Frère Untel
2. "Toute vérité peut être dite hautement pourvu que la discrétion tempère lediscours et que la charité l'anime." Bossuet
3. "C'est au moment où l'on saurait vivre que l'on meurt." Bergson

Delhorno

lundi 8 octobre 2007

LA NECROLOGIE DU FIGARO

Je ne te parle pas, McPherson, du Figaro de Beaumarchais, celui qui a déclaré: "SANS LA LIBERTE DE BLAMER, IL N'EST POINT D'ELOGE FLATTEUR". Il s'agit du journal! Le journal, il faut bien le dire, tire cependant son nom de l'illustre barbier de Séville et sa page frontispice inclut quotidiennement la célèbre tirade.

J'ai découvert Le Figaro par hasard, un matin de juillet, à Alicante en Espagne. J'avais ce matin-là la nostalgie du français, pour ne pas dire une fringale de français... Arrive un kiosque à journaux et ne vois-je pas... La tirade fameuse du barbier attire tout de suite mon attention: j'achète le journal que je lirai face à la mer chaudement installé sur un banc de la marina. C'est ainsi que naquit notre amitié, Le Figaro et moi.

Tout ça pour en arriver à mon propos, McPhee! Il te faudra jeter un oeil sur la page nécrologique du Figaro. Ils ont une manière raffinée d'annoncer les décès:

"Madame Bernadette Toulemonde et ses enfants Georges, Denise et Jean-Pierre ont la tristesse de vous annoncer le décès de monsieur Gabriel Brind'amour... Vient ensuite fréquemment une courte biographie: Il commanda la Légion Etrangère à Dien Bien Phu etc... A plusieurs reprises, j'ai noté que la famille ajoute une phrase, un quatrain, une tirade qui furent, pour ainsi dire, la marque de commerce du défunt. En voici deux que j'ai retranscrites:

IL DEPEND DE CELUI QUI PASSE
QUE JE SOIS TOMBE OU TRESOR,
QUE JE PARLE OU ME TAISE.
AMI, CELA NE TIENT QU'A TOI.
N'ENTRE PAS ICI SANS DESIR. Paul Valery



ET SI UN DERNIER FEU
DANS LE SOIR TE DECORE
PLUTOT QUE DE DIRE ADIEU
DIS-LUI MERCI ENCORE. Jacques Davignon (il avait été poète)



J'avais le sentiment, en lisant la page nécrologique du Figaro, que ceux qui ont la chance de décéder dans cette page meurent autrement! Qu'ils meurent pour ainsi dire "en première classe".

Delhorno

jeudi 4 octobre 2007

DE MON AMI VICTOR...

Un jour, je vis passer une femme inconnue.
Cette femme semblait descendre de la nue;
Elle avait sur le dos des ailes, et du miel
Sur sa bouche entr'ouverte, et dans ses yeux le ciel.
A des voyageurs las, à des errants sans nombre,
Elle montrait du doigt une route dans l'ombre,
Et semblait dire: On peut se tromper de chemin.
Son regard faisait grâce à tout le genre humain;
Elle était radieuse et douce; et, derrière elle,
Des monstres attendris venaient, baisant son aile,
Des lions graciés, des tigres repentants,
Nemrod sauvé, Néron en pleurs; et par instants,
A force d'être bonne elle paraissait folle.
Et, tombant à genoux, sans dire une parole,
Je l'adorai, croyant deviner qui c'était.
Mais elle, -devant l'ange en vain l'homme se tait-
Vit ma pensée, et dit: Faut-il qu'on t'avertisse?
Tu me crois la pitié; fils, je suis la Justice.
Hugo.

Delhorno

mercredi 3 octobre 2007

HAS-BEEN

Caillé et Garon penchent donc vers l'ADQ.
Une vénérable ex-ministre péquiste -Harel- a ainsi commenté:
-DES HAS-BEEN!
Elle s'est aussitôt sauvée, s'évertuant à cacher dans la fuite un sourire méprisant.
A été obligée de s'excuser aujourd'hui, du bout des lèvres.

Je dois me confesser, Gibus. J'ai moi-même pensé, quand j'ai vu, à la télé, les binettes sexagénaires des deux néo-adéquistes:
-Bon Dieu de Sorel! Que vont-ils faire là? Ils n'ont plus rien à dire. On leur a donné leur chance il y a quelques années, et ils se sont fourvoyés. Que ne restent-ils chez eux à placer leurs tasses à café dans le lave-vaisselle? Ne le savent-ils pas que nous les avons assez vus? Ils doivent avoir besoin d'argent... Anxieux, comme tant d'autres, de conter leur petite histoire...

Puis je me suis ravisé. J'ai le même âge que ces deux gars-là... Ségrégation en raison de l'âge chronologique... Atteinte aux droits de la personne... Attaque "ad hominem"... Irrespect de la liberté... Et je me suis tu!

Pas mécontent cependant de voir une grosse pointure péquiste perdre les pédales! Il y a donc plus que quelques Delhorno dans la cohorte des intempestifs... Louise Harel n'est elle-même pas très loin d'être une HAS-BEEN...

C'est alors que m'est revenue en mémoire cette petite phrase du temps du Petit Séminaire, phrase dont j'ai oublié l'auteur:
"ON N'EST POINT UN HOMME SUPÉRIEUR PARCE QU'ON ENVISAGE LE MONDE SOUS UN JOUR ODIEUX."

delhorno

lundi 1 octobre 2007

L'ETRE LE PLUS EXTRAORDINAIRE QUE J'AI CONNU

Te souviens-tu, McPherson, te souviens-tu Gibus, de cette chronique du Sélection du Reader's Digest que nous lisions dans notre jeunesse? "L'être le plus extraordinaire que j'ai connu"? Pourquoi arrivé-je avec cette réminiscence ce soir? Parce que...
Vous souvenez-vous de "L'homme qui plantait des arbres"? Oui, c'est le documentaire du gars de l'Office National du Film dont j'ai oublié le nom. Vous savez, celui qui porte une paire de lunettes spéciale? Celui qui est borgne, ou presque, d'un accident?
Oui, son documentaire était excellent. Mais ce n'est pas mon sujet...
Le Sélection-France organisa un concours littéraire intitulé "L'être le plus extraordinaire que j'ai connu". Beaucoup participèrent. Le gagnant fut un certain Jean Giono. Son texte s'intitulait: "L'homme qui plantait des arbres". Fort impressionné lors de ma lecture, j'ai conservé dans un de mes livres de souvenirs ce passage:

"Pour que le caractère d'un être humain dévoile des qualités vraiment exceptionnelles, il faut avoir la bonne fortune de pouvoir observer son action pendant de longues années. Si cette action est dépouillée de tout égoïsme, si l'idée qui la dirige est d'une générosité sans exemple, s'il est absolument certain qu'elle n'a cherché de récompense nulle part et qu'au surplus elle ait laissé sur le monde des marques visibles, on est alors, sans risque d'erreurs, devant un caractère inoubliable."
Intéressant, n'est-ce pas? En avons-nous tant connu de ces personnages que nous pouvons définir exactement par ce paragraphe? Moi, j'en ai connu quelques-uns... Mais là n'est pas mon propos! Les Français cherchèrent longtemps ce vieillard caché dans un hospice de Haute-Provence qui avait revitalisé toute une région des Alpes Maritimes en plantant des glands de chêne. Ils ne le trouvèrent jamais... Pour cause! Le vieillard n'avait jamais existé, que dans l'imagination de Giono! Delhorno

dimanche 30 septembre 2007

WOUNDED KNEE

"Enterre mon coeur à Wounded Knee." C'est le titre du film. Excellent. Je l'ai vu ce soir. A gagné des prix à Hollywood. Oeuvre d'un Québécois, Simoneau. Les Indiens des Amériques n'ont pas eu ça facile... Les Espagnols, les Anglais, les Français, les maladies, l'alcool... sans compter l'humiliation.
Wounded Knee... Quel beau nom! N'est-ce pas tout près de là que s'est écrasé le Learjet du golfeur américain dont j'oublie le nom?
Quand je pense à Wounded Knee, je n'oublie pas le massacre, mais je pense aussi à Louis Riel, et quand je pense à Louis Riel, il me revient en mémoire un court poème qui me parvint de Winnipeg, il y a de ça plusieurs étés, et que je n'ai jamais oublié:
QUAND LES CLOCHES DU SOIR
DANS LEUR TENDRE VOLÉE
FERONT DESCENDRE L'AIR
AU FOND DE LA VALLÉE
QUAND TU N'AURAS
NI D'AMI
NI D'AMOUR PRÈS DE TOI
PENSE A MOI. Louis Riel

Delhorno

vendredi 28 septembre 2007

L'ACCENT

Reçu aujourd'hui: "Il est vraiment du Saguenay celui-là... qui pense que c'est le Montréalais qui a un accent!"
Ca m'a rappelé qu'en 1974, fraîchement débarqué à Montréal pour étudier, le chef de mon département avait transmis à la cantonade que "Delhorno parle cowboy pas mal".
J'en avais été froissé un peu, ce qui explique que je ne l'aie jamais oublié. Plus tard, beaucoup plus tard, à Bordeaux, on m'exhiba quasi comme une bête de cirque: "il parle comme nous parlions en France au XVIIe siècle!" En Tunisie, il y a de ça peu d'années: nous sommes à dos de dromadaire, tous parlant français! Le tunisien qui nous accompagne me pointe du doigt et demande à ma voisine: "Quelle langue parle-t-il celui-là? Je propose un autre point de vue sur l'accent:

LORSQUE LOIN DU PAYS LE COEUR GROS ON S'ENFUIT
L'ACCENT, MAIS C'EST UN PEU LE PAYS QUI VOUS SUIT.
MON ACCENT, IL FAUDRAIT L'ECOUTER A GENOUX!
C'EST UN PEU CET ACCENT, INVISIBLE BAGAGE,
LE PARLER DE CHEZ SOI QU,ON EMPORTE EN VOYAGE.
AVOIR L'ACCENT, ENFIN, C'EST CHAQUE FOIS QUE L'ON CAUSE
PARLER DE SON PAYS... EN PARLANT D'AUTRE CHOSE.
NE PAS AVOIR D'ACCENT, POUR NOUS, C'EST D'EN AVOIR!

Miguel Zamucol

Voilà! Delhorno

mercredi 26 septembre 2007

DESEO...

"...una nueva y arrasadora utopia de la vida donde nadie pueda decidir por otros hasta la forma de morir, donde de veras sea cierto el amor y sea posible la felicidad y donde las estirpes condenadas a cien anos de soledad tengan por fin y para siempre una segunda oportunidad sobre la tierra."

Ce matin-là, je décidai de prendre le train Alicante-Denia. Parcours pittoresque, s'il en est un, car il côtoie la Méditerranée. Mais là n'est pas mon sujet... Ce qui fait l'attrait majeur de Denia, ce sont les ferries qui desservent les Baléares. Sorti de la gare, je m'en fus vers les quais où, à mon insu, un spectacle formidable s'était mis en branle. Un gigantesque géant blanc avalait gloutonnement des centaines de véhicules-moteurs. Sur le flanc de ce géant blanc étaient peintes les lettres suivantes: GABRIEL GARCIA MARQUES. Je flânai longuement sur le port, me demandant bien qui était ce Marques. C'est au retour à Alicante que la lumière fut. Dans mes notes de cours, il y avait un chapitre sur ce prix Nobel de littérature qui n'avait pas croisé ma route avant cet été-là. Ce que j'ai écrit en espagnol ci-haut, c'est une partie du discours de Marques à Stockholm, quand il reçut le prix. Je dédie ce court texte à quelqu'un qui jadis chercha un décocheur verticalement plutôt qu'horizontalement. Delhorno

mardi 25 septembre 2007

25 SEPTEMBRE

C'était en 1970. Un vendredi soir. Nous n'avions pas un sou. Mais assez de fric pour aller à Montego Bay. Le curé Boily nous a mariés. Emporté peu après par un cancer gastrique. Nos parents vivaient encore. Une fort petite noce, le strict minimum. Banquet au Saguenay Inn, qui n'existe plus aujourd'hui. Avion le lendemain, pour Montréal et la Jamaïque. Huguette Desbiens-Desmeules jouait de l'orgue. Un saxophoniste aussi. Ils jouèrent IN THE MOOD, I LEFT MY HEART IN SAN FRANCISCO...
Fr. a tout oublié!
Pas de limousine. Moi, le marié, je conduisais ma petite Datsun jaune-orange.
Le plus beau voyage de ma vie, quand même. Je me souviens d'en être revenu reposé comme jamais je n'avais ressenti depuis des années... Retour à la Baie sans un sou dans nos poches...
Nous nous mariions pour le meilleur et pour le pire, et c'est ce qui arriva. Séjour à Minneapolis qui se termine en queue de poisson. Résidence infernale. Suite de déménagements. Mon père décède. Etablir une pratique chirurgicale. Tant travailler. Ma mère décède. Les enfants, leurs problèmes, essais et erreurs, échecs et succès. Mes beau-parents trépassent. Mes coronaires bouchent. Fr. souffre d'un tic douloureux, puis d'une sténose spinale. Tout ça sur 37 ans... Notre histoire intéresse très peu de gens... et je ne m'en formalise pas. Ceux-là sont partis qui pourraient se souvenir. Seule ma belle-soeur ontarienne s'en est rappelé, ce matin, en notant la date. Pas un mot des enfants; je me demande s'ils savent même que leurs parents se marièrent ce jour-là.
Nous avons toffé la ronne et je me demande encore comment... Nous ne sommes pas les seuls!
"Les gens diffèrent par ce qu'ils montrent et se ressemblent par ce qu'ils cachent" C'est de Paul Valéry.
Mais je ne regrette rien. Delhorno

lundi 24 septembre 2007

QUELQUES BONNES...

Je préfère glisser ma peau sous les draps
Pour le plaisir des sens
Que la risquer sous les drapeaux
Pour le prix de l'essence.
Raymond Devos (Iraq)

Partir, c'est mourir un peu; mourir, c'est partir complètement.
Emile Allais

Mon seul regret, c'est de n'avoir pu réconcilier les oeufs brouillés.
Emile Allais

Les gens se ressemblent par ce qu'ils cachent et diffèrent par ce qu'ils montrent.
Paul Valéry

Celle-ci, enfin, est dédiée au capitaine Simard, qui m'a tout montré du fjord saguenéen sauf ceci:

Si on ravitaille une ville, une armée,
on avitaille un bateau, un navire...
Delhorno

dimanche 23 septembre 2007

L'AFFAIRE JEANSON

Ainsi donc l'ange avait des cornes. Car, comme tant d'autres, j'ai été médusé moi aussi. Championne junior mondiale en Italie: c'était trop beau. Québecoise par surcroït... Je l'aimai tout de suite. Elle avait l'air d'un ange... Sexagénaire meurtri par les vicissitudes de la vie, chaque matin je crois avoir tout vu. Le soir-même, il en sort une que je n'ai pas vue encore. Entre nous, Jeanson n'est pas la première fifille à mordre à l'hameçon... Et le sexe n'a rien à voir.
Ce vendredi-soir là, je devais avoir 12 ou 13 ans, il y avait une course à pied sur la glace du Palais Municipal, à Port-Alfred. J'étais inscrit, au même titre que mes confrères de classe. Il s'agissait de faire un tour de glace en courant. Le règlement ne spécifiait rien d'autre. Donc, nous devions nous présenter en bottes d'hiver sur la ligne rouge au moment approprié. Je discutais l'affaire au souper avec Roland, mon père. Comment améliorer la traction des mes bottes de caoutchouc tout en diminuant le patinage... Quelques instants plus tard, nous étions dans la cave en train de "clouter" une paire de vieilles "claques". Ma course était gagnée d'avance!
J'entrai donc au Palais Municipal avec un sac de papier cachant mon subterfuge... Mon père arrive un peu plus tard et me dit:
-Claude, c'est malhonnête ce que nous faisons là. Jette le sac dans un coin et fais ta course comme tout le monde.
J'obtempérai, bien content dans le fond, car je me sentais mal à l'aise. Je terminai troisième. Quand même content. Celui qui gagna avait meilleure traction et glissait pas mal moins que tous nous autres... C'était un Lavoie, je pense, et je le revois encore nous dire à l'arrivée, d'un sourire vainqueur:
-Mon père est allé m'acheter des "claques" neuves! Ca glisse pas mal moins, et ça tire mieux!
Jeanson n'avait que 16 ans... Elle a cru le bonheur dans l'EPO... D'autres se font exploser dans un autobus de Tel Aviv pour d'autres motifs... On a en a vu se cloîtrer et s'autoflageller au même âge pour un certain Jésus... On peut mordre à toutes sortes d'hameçon. Mon point? A un moment donné dans ta jeunesse, ça prend quelqu'un, un Roland, qui puisse mettre la main sur ton épaule et te dire:
-Joue la game droitement mon gars, joue la vie honnêtement!
Encore faut-il écouter... "The student must be ready for the teacher to appear."
To my sense, Jeanson was ready... but the teacher was a crook! Delhorno

jeudi 20 septembre 2007

IL Y A DERRIERE UNE HISTOIRE...

LES YEUX

Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Des yeux sans nombre ont vu l'aurore;
Ils dorment au fond des tombeaux.
Et le soleil se lève encore.

Les nuits, plus douces que les jours,
Ont enchanté des yeux sans nombre;
Les étoiles brillent toujours,
Et les yeux se sont remplis d'ombre.

Oh! qu'ils aient perdu leur regard,
Non, non, cela n'est pas possible!
Ils se sont tournés quelque part
Vers ce qu'on nomme l'invisible;

Et comme les astres penchants
Nous quittent, mais au ciel demeurent,
Les prunelles ont leur couchants.
Mais il n'est pas vrai qu'elles meurent.

Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Ouverts à quelque immense aurore,
De l'autre côté des tombeaux
Les yeux que l'on ferme voient encore.
Sully Prud'homme

Merci monsieur l'Inspecteur! Delhorno

mercredi 19 septembre 2007

A BOUCHARD ET TAYLOR

Je vous rappellerais d'abord ce court texte du Général De Gaulle:

"Dans les vases clos des colloques, congrès, conférences, confrontations, débats, tables rondes, se manifestent:

ceux qui exposent
ceux qui proposent
ceux qui déposent
ceux qui disposent
ceux qui supposent
ceux qui composent
ceux qui transposent
ceux qui apposent
ceux qui opposent
bref, ceux qui posent."

J'exigerais que Madeleine Poulin s'introduise ainsi:

"Tant de choses ne méritent pas d'être dites, et tant de gens ne méritent pas qu'on leur dise des choses."

J'inviterais Michel de Montaigne à venir dire ceci:

"Le parler que j'aime, c'est un parler simple et naïf, tel sur le papier qu'à la bouche; un parler succulent et nerveux, court et serré, non tant délicat et peigné comme véhément et brusque."

Einstein aurait eu le temps d'ajouter: "Not everything that counts is counted; not everything that is counted is worth counting".

Ce serait Antoine de St-Exupéry qui conclurait:

"Même si le bien commun doit avoir le pas sur les intérêts de l'individu, la fourmillère ne doit pas écraser la fourmi.

Et j'aurais signé comme Jules Laforgue:

"Je suis un réverbère qui s'ennuit" Delhorno





mardi 18 septembre 2007

DON'T WAKE ME AT DOYLES

Je viens tout juste d'en achever la lecture. Acheté à la librairie hors-taxes de l'aéroport de Shannon peu avant le départ. Sur un simple coup d'oeil! "...contains all the explosive power of Angela's Ashes", est-il écrit par l'éditeur. Mémoires d'une fille simple, sans instruction, sachant à peine le sens des mots. Se fait engrosser contre son gré à 22-23 ans par John, qu'elle marie "obligée". John n'est pas ce qu'elle l'a cru être. Alcoolique, womaniser, sans travail, il lui fera 9 enfants en ligne, la battra, la ridiculisera. Elle voudra le laisser cinq, dix, quinze fois: elle en est incapable, elle est catholique. Ce n'est qù'à 75 ans, suite à une pneumonectomie gauche pour cancer, qu'elle trouvera la force de le quitter et de vivre pour elle-même. Elle vivra 6 ans, qu'elle emploiera à écrire ce livre. Elle écrivait son journal quotidiennement les vingt dernières années de sa vie... Ses neuf enfants font pareil. Je remercie mon instinct de m'avoir bien servi, encore une fois. Il n'y a rien de pire que d'acheter un livre illisible... "I woke up and saw myself as a human being again. For the first time in my life I had something to say. My mind came alive with the memories of my childhood. Words began to flow... No more would I be the"illiterate fool" that John called me". Au bout de ma lecture, une phrase ne cessait de tinter dans ma mémoire, celle de Winston Churchill: "When you go through hell, keep going". Delhorno

lundi 17 septembre 2007

DE LA MANSUETUDE

Je connaissais ce mot-là... Du latin mansuetudo: "disposition de l'esprit qui incline à une bonté indulgente". Je l'ai retrouvé dans l'Elégance du Hérisson", ce roman de Muriel Barbery que j'ai acheté impulsivement à Place Ville-Marie. En passant, gros succès de librairie en France en 2006! Le lisant, je me disais que Barbery avait philosophé, d'une manière ou d'une autre. On n'écrit pas impunément:
1. Que faire face à jamais sinon chercher toujours dans quelques notes dérobées.

2. La vérité n'aime rien tant que la simplicité de la vérité (Euripide a dit: La vérité s'exprime simplement).

3. L'aristocratie du coeur est une affection contagieuse.

4. Ce qui importe, ce n'est pas de mourir, c'est ce qu'on fait au moment où on meurt.

Je ne m'étais pas trompé. Muriel Barbery enseigne la philosophie dans le nord de la France. Elle a un blogue. J'ai voulu lui écrire que j'ai adoré son livre... mais ça n'a pas marché. Revenons à nos moutons. MANSUETUDE. La mansuétude ne devrait-elle pas être la première qualité d'un gouvernement? J'ai pas mal réfléchi sur ce thème depuis quelques mois. Je me suis suis demandé si tout l'argent qui se flambe en Afghanistan n'aurait pas dû servir au mieux-être de nos autochtones... Pourquoi faut-il absolument démarcher chez les Afghans? Pourquoi ne pas avoir investi le fric des chars Léopard dans de meilleurs logements pour nos moins-nantis? Pourquoi ne pas avoir envoyé nos soldats occuper le Grand Nord, plutôt que Kandahar? La mansuétude canadienne est-elle dirigée au bon endroit? Pourquoi nos impôts ne serviraient-ils pas d'abord et avant tout "para nosotros"? Delhorno

dimanche 16 septembre 2007

TROUVER CHAUSSURE A SON PIED...

Nous sommes vendredi matin, il y donc deux jours. Je suis seul à la maison. Francine passe l'avant-midi chez sa coiffeuse. Je m'active dans le laboratoire familial ( la cuisine). Mon statut de demi-retraité n'excuserait pas que j'oublie de... laver la vaisselle, vider le lave-vaisselle, nettoyer le comptoir... plus souvent qu'à mon tour. Le téléphone sonne!

-Monsieur Gagnon! Line D. de l'UNICEF. Puis-je parler à madame Gagnon.

-Je suis le mari de madame Gagnon, laquelle est absente pour l'avant-midi. Puis-je faire un message?

-Non. Quand pourrais-je la rappeler?

-Faites-le donc, lundi matin, au bureau, entre 9 et 11, elle se fera un plaisir de vous répondre.

-Impossible, monsieur, c'est un ordinateur qui décide de nos appels et il ne rappellera pas au bureau. Puis-je la rappeler ce soir?

-Ne faites jamais ça, vous la mettrez hors d'elle-même. Nous avons en horreur d'être appelés le soir pour du télémarqueting. Nous pensons que c'est de l'impolitesse. En passant, relayez donc ça à votre patron.

-Monsieur, nous payons nos impôts comme tout le monde, et c'est mieux (de faire ce que je fais) que d'être sur l'Aide Sociale. Bonjour Monsieur!

Clac! Elle me ferme le téléphone au nez!

Je suis resté bouche bée. Pas eu le temps de répondre, de même risquer un "tabarn..."

Je n'ai pas encore saisi le lien entre ce que je lui disais (de ne pas nous appeler le soir) et sa répartie (respectez mon emploi). Je donne mes numéros de téléphone à mes patients, et j'ai moins de téléphones le soir de leur part que de la part de ces "télémarquetteurs" impolis qui nous réveillent à 21:00 pour nous offrir de l'assurance. Je ne sais toujours pas -le saurai-je jamais?- ce qu'elle a compris de mon "statement". J'aurais pu lui fermer au nez dès le premier instant de son appel; j'ai voulu jouer au civilisé, verbaliser exactement ce que je pense, et... voyez comment ça tourne. Elle s'appelait Line Dufour, par surcroît, ce qui ajoute à mon désarroi. Comment a-t-elle pu conclure ainsi? Car, c'est d'un syllogisme vicieux dont elle a accouché: IL NE VEUT PAS ETRE APPELE LE SOIR POUR DU TELEMARKETING, DONC JE PAIE MES IMPOTS COMME TOUT LE MONDE, n'émane certainement pas de la logique aristotélicienne. Par ailleurs, je crois savoir qu'on enseigne à ces télédémarcheurs des parades pour contrer ceux qui comme moi n'y vont pas avec le dos de la cuiller. Je lui ai donc fait perdre tous ses moyens... Lequel d'entre nous deux a trouvé chaussure à son pied?
En passant, l'UNICEF a perdu un bonne vente, car Fr. ne leur a jamais rien refusé. Delhorno

samedi 15 septembre 2007

Christophe Colomb

Lors de son premier voyage, en 1492, le génois n'avait que 3 vaisseaux: la Nina, la Pinta et la Santa Maria. Ne te méprends pas, Gibus, on nous apprenait cela au collège St-Édouard dans les années cinquante. Mais tel n'est pas mon sujet. Il fonda son premier établissement sur la côte nord d'Haïti: il y laissa 25 colons. Quand il revint, l'année suivante, à la tête d'une véritable armada -25 bateaux, 200 colons, veaux, vaches, cochons, couvées- les 25 colons avaient été tués par les indiens. On dit que les colons n'avaient pas été très gentils avec leurs voisins indiens... Colomb établit donc un deuxième poste sur la côte nord de la République Dominicaine, à l'ouest de Puerto Plata. Le site est très bien connu: c'est là que Jean-Paul II se rendit quand il visita Hispanola. On y a construit, au milieu de nulle part, une très belle église. Il ne reste pas grand'chose du passage des Espagnols à cet endroit: les bâtiments originels étaient en bois, les Espagnols délaissèrent le site après quelques années et s'en furent à Santo Domingo. Par surcroït, un dictateur des années trente fit "bulldozer" le terrain au nom de je ne sais quelle lubie. On peut visiter l'endroit, qui est sis un peu plus loin que Luperon; j'entends bien m'y rendre incessamment.

Car il se trouve que nous passons quelques mois de l'hiver sur le bord d'une plage dominicaine: la Playa del Encuentro. Celle-ci est située entre Sosua et Cabarete. Notre complexe est plutôt humble selon les standards actuels, mais nous y sommes heureux. Il se prénomme: Los Condos Marysol. J'ai "hispanisé" ou "espagnolé" mon condo: je l'appelle El Condo Once. Nous y vivons, à quelques mètres de la mer, une vie paisible: tranquilité, lecture, un peu de musique, conversation, vélo, natation, soleil.

Le midi, je retrouve Jose Martinez au Coco Bar, histoire de prendre l'apéro, de regarder la mer et de pratiquer mon espagnol. Jose me sert des Cuba Libre: 50% de "Ron", 50% de Coca Cola dans un grand verre de plastic. La dose est un peu forte, mais on vient à s'y habituer... Il n'y a pas très longtemps que je suis au courant des péripéties de Christophe Colomb à Hispanola... Quand j'ai appris cela en mars dernier, j'en devins un peu bouleversé. J'étais au Coco Bar en compagnie de Jose et de Nino... Le rhum aidant, je me mis à leur expliquer tout cela, concluant ainsi: "Jose, ceci veut dire que l'endroit où nous sommes, en 1492 et 1493, a très certainement vu passer les flottilles de Colomb; car il ne pouvait faire autrement que passer au large des Condos Marysol. Il a peut-être longé notre plage plus près qu'on pourrait imaginer! Je ne pourrai plus jamais regarder la mer de la même façon! Savoir tout cela change tout, Jose, ça change tout! Eso cambia todo!
Jose m'a regardé d'une drôle de façon. Petit sourire incertain... Il ne parle pas beaucoup de toute manière. Peut-être s'est-il dit intérieurement: "Réaction paradoxale suite à deux onces de ron "Brughal" chez un Tabarnaco". Non, Jose, ça change vraiment tout de savoir que Christophe Colomb a vogué au large du condo Once en 1492 et 1493! Puis... qu'importe la vérité, si l'histoire est belle? Delhorno

vendredi 14 septembre 2007

LA BOUTEILLE DE BORDEAUX

C'est arrivé un vendredi soir, il y a de ça quelques années, dans le gymnase de l'Université du Québec à Chicoutimi. S'y trouvaient entre autres Luc, Béatrice, Jacques Côté, Jean-Jacques et Francine, évidemment. Odette, impliquée dans ce souper caritatif pour la Société du Cancer, s'était chargée d'une grande table qui accueillait près de vingt convives qu'elle avait elle-même recrutés et pour lesquels elle avait préparé une tourtière -que je n'ai pas encore oubliée- ainsi que d'autres mets et desserts. L'occasion était belle: aussi y étions-nous. Nous apportions notre vin.
Odette fait partie d'une chorale à Laterrière... Elle y avait rencontré un homme qui me connaissait: il m'avait enseigné dans ma jeunesse, avait été frère enseignant, un certain G. Quelque Chose. Les Gagné avaient même soupé chez lui quelque temps auparavant. Jean-Jacques m'avait prévenu:
-Ton vieux professeur y sera et... je ne serais pas surpris qu'il apporte son vin, car il en fabrique! Tu verras, il va t'en offrir.
J'étais debout, donc, pas très loin de la table qu'on nous avait assignée, quand se présente cet homme, septuagénaire avancé, que je ne reconnais pas du tout. Puis, soudainement, j'allume! et m'écrie:
-Mais, vous êtes le Frère F!
-Non, je suis G. Quelque Chose maintenant.
-Je ne vous ai jamais oublié, j'avais onze ans, suis allé vous voir à la bibliothèque du collège St-Edouard, vous m'avez prêté le Roman de Renart et ça a changé ma vie!
Le bon Frère sortit sa bouteille de vin de son sac et, comme prévu, me versa une coupe de vin de... cerises que je ne sus refuser. La concoction était imbuvable, mais je ne le fis pas voir...

Nous nous attablâmes donc -excuses-moi, McPherson, mais j'adore le passé simple- Jacques était à ma gauche, le Frère F. à ma droite, Luc en face du Frère, Fr. en face de moi, Béatrice à la droite de Francine, qui était devant moi, et Jean-Jacques un peu plus loin. La conversation allait bon train...
J'ouvris ma bouteille de Bordeaux, en versai une lisière à Fr., m'en versai un peu dans une deuxième coupe, tout en parlant à gauche et à droite. tout en buvant du vin de cerises et du Bordeaux... Mon Bordeaux était sublime, je le savais, car j'avais consulté avant de l'acheter. Le bon frère se penche vers moi:
-Claudio, puis-je goûter à ton vin? J'obligeai. Ça ne se refusait pas. L'homme avait changé ma vie! Quelques minutes plus tard, Jacques lui aussi faisait goûter de son bourgogne à notre ancien professeur. Pas longtemps après, c'était à nouveau à mon tour de lui payer une traite.
Pas longtemps plus tard, le bon Frère remplissait sa coupe lui-même à même ma bouteille. Quant à moi, parlant, jasant, je n'avais pas même pris la moitié de mon vin de cerises...
Arrive le moment du dessert. Francine n'a pas terminé sa coupe de Bordeaux. Je me dis:
-Je vais reprendre de mon Bordeaux...
Je détourne le regard quelque peu... Ma bouteille est vide, devant le bon Frère!
Je me retourne à gauche vers Jacques:
-Verses-moi un peu de vin, Jacques, ma bouteille est vide et je n'y ai pas goûté presque.
-La mienne est vide aussi! Ton ...sse de faux-frére me l'a tout bu!
Je fus pris d'une attaque de fou-rire. Tout le monde se demanda pourquoi. Je pensais au curé de Cucugnan, aux Trois Messes de Noël de Daudet, à toutes ces histoires de vin de messe dont, servants de messe, nous nous régalions.
Le souper prit fin. Mon convive de droite était "pompette" et bien davantage. Il disparut prestement. Sa conjointe ne semblait pas très contente. La seule bouteille qui resta à demi-pleine fut celle du vin de cerises! L'ancien bibliothécaire, de toute évidence, était un connaisseur!
Jean-Jacques et Luc arboraient leurs petits sourires moqueurs...
N'empêche que lire à onze ans le Roman de Renart a changé ma vie... Delhorno

jeudi 13 septembre 2007

BRASSENS

Guy Sarrazin a visité l'Espace Brassens, hier, à Sète. Il n'en fallait pas plus pour que mon cerveau se mette à pianoter sur ce clavier. Mon oncle Clément Chantal écoutait Brassens dans les années 50, quand Georges fit ses débuts à Paris. Brassens était frappé d'interdit dans notre demeure: trop grivois, trop anarchiste, pas assez catholique, selon ma mère. Je pense qu'elle ne l'avait pas assez écouté. Je partis de la maison en 1965. Le dimanche soir, dans ma chambrette de l'Université Laval, j'écoutais "Le cabaret du soir qui penche", animé par Mauffette. C'est là que Brassens je découvris. Je crois connaître toute son oeuvre, ou presque. Il y a des chansons que j'ai dû écouter cent fois... Ma préférée? LES COPAINS D'ABORD. Prend-bien soin, Gibus, de comprendre chacun des mots. C'est d'une richesse inouïe. Je conserve jalousement un livre avec CD qui recoupe le processus de création de cette chanson. Muy interessante! Je n'aurais jamais manqué l'Espace Brassens en 98... Deux heures d'enchantement. Ai donné une tape dans le dos de son monument funéraire, par surcroït! Je crois savoir qu'on a "revampé" l'Espace Br. il y a un an ou deux. Écoute ses deux testaments, Gibus, tu m'en reparleras. Dans l'un, il dit: "Je serai triste comme un saule quand le croque-mort m'emportera..." Dans l'autre, il souhaite être enterré sur la plage de Sète pour passer l'éternité avec les baigneuses! La télé française, à chacun de ses anniversaires, ne manque jamais de survoler son oeuvre, sa vie: à chaque fois, c'est un régal. Me trompé-je? J'ai l'impression que Brassens, comme Félix Leclerc, s'en va vers l'oubli. Mes enfants les connaissent très peu, en tout cas, ne m'en parlent jamais. Personne de la génération qui suit n'aborde jamais ce sujet en ma présence.
Nous ne passons pas une vie dans un milieu aseptisé... Nous ne vieilissons pas dans une bulle... Nous sommes, chacun, le produit de tous ceux qui nous ont laissé monter sur leurs épaules. Je lève mon chapeau, ce matin, Gibus, à ces vieux amis enterrés quelque part dans le passé, qui ont, à un moment ou l'autre, enchanté ma vie: ARISTOTE, HIPPOCRATE, FRÈRE PIERRE, FRÈRE FERNAND, JACQUES TREMBLAY, JEAN-PAUL TREMBLAY, GUY SAUCIER, JACQUES CANTIN, VICTOR HUGO, ALEXANDRE DUMAS ET... GEORGES BRASSENS. Chacun d'entre eux a, dans la mienne, sa petite histoire. Restent ceux qui vivent encore... Ce sera pour une autre fois!
Delhorno

mercredi 12 septembre 2007

LA VIA DOMITIA

Mon ami Sarrazin était à Aigues-Mortes hier, ainsi qu'en Camargue. Sa relation a ravivé dans ma mémoire... Fin septembre 98. Nous arrivons en Languedoc. Il y a Odette, Béatrice et Francine, Luc, Jean-Jacques et moi. Sur l'autoroute languedocienne, ce signe qui m'éveille de ma torpeur: VOUS LONGEZ LA VIA DOMITIA. J'ignorais l'existence de cette voie romaine dans le sud de la France. Quelques jours plus tard, nous sommes en Camargue, faisant de l'équitation dans les champs. Une pancarte fort humble attire mon regard: vestiges de la via domitia. Pas grand'chose à voir sur ce petit chemin de terre... Mais quelques mètres plus loin, j'aperçois une bipède qui sonde le même chemin avec un détecteur de métal:
-Madame, vous cherchez des sesterces?
-Exactement, monsieur.
Ma journée était faite. J'avais chevauché la via Domitia. Peut-on croire? Le lendemain, nous arrivions à Narbonne devant la cathédrale St-Just. Je traînais derrière notre groupuscule... Fr. revient sur ses pas:
-Claude! Viens voir ce qu'il y a là-bas!
Sur la grand'place, devant la cathédrale, se trouve une excavation incontournable: au fond, la Via Domitia, ses grosses pierres rondes parfaitement alignées et même les sillons créés par les roues des chars! J'ai failli, cet après-midi-là, mourir d'apoplexie devant la cathédrale.
Voilà pourquoi, en octobre dernier, visitant Rome, j'ai lâché mon groupe un après-midi pour aller marcher sur la via Appia... Delhorno

mardi 11 septembre 2007

La "québecorisation" de Brian Mulroney

C'est vieux comme le monde. "On ne peut plaire à tout le monde et à son père." Quand Jean de La Fontaine m'apprit cela, je n'avais pas treize ans, je n'y compris pas grand'chose. Il m'a fallu toute une vie d'adulte pour vraiment savoir. Marissal de La Presse accuse Mulroney,ce matin, de s'être acoquiné avec Péladeau, de distiller, en fin de vie, du fiel et de la hargne. Pourtant, Marissal n'a pas encore lu le livre! Marissal est peut-être jeune un peu, inexpérimenté. C'est impossible, quand on a joué du vrai hockey, de ne pas se souvenir des coups de genoux hypocrites, des dardages homicidaires, sans compter les paroles blessantes et les humiliations. J'en aurais moi-même long à écrire sur ce chapitre... Je n'aborde à peu près pas le sujet, sachant qu'on m'accusera de déverser le fiel et la hargne du sexagénaire qui sort de la patinoire...
J'ai aimé Brian Mulroney, j'ai voté pour lui. Sa TPS, Chrétien et Martin n'y ont pas touché. Pas assez intellectuellement honnêtes pour l'avouer cependant. Brian avait raison sur l'apartheid. Je ne suis pas certain qu'il eût tort, dans Meech. Qu'est devenu Clyde Wells aujourd'hui? Je crois toujours que l'amitié et la famille passent devant les enjeux politiques, entre autres. J'ai pu garder mon ami Jacques Côté avec ce principe; j'ai pu continuer à fréquenter frères et soeur. Je détesterais m'appeler Lucien Bouchard aujourd'hui. Delhorno