mercredi 30 janvier 2008

DES SUSHIS ET... DES PATATES FRITES

La mode est aux sushis! As-tu remarqué, Gibus? Ca nous est venu d'ailleurs, d'abord par Montréal. Le Saguenéen qui avait séjourné dans l'ex-Métropole et avait goûté aux sushis avait, comme Ulysse, fait un beau voyage! Le sushi, à l'heure où je te parle, a envahi le Québec. Il y a des bars à sushis partout, même à Chicoutimi. Les jeunes couples "dans le vent" vont manger des sushis sur la rue Racine et vous soulignent l'accomplissement avec désinvolture. Certains poussent même l'exploit à un niveau olympien: Ils en fabriquent eux-mêmes, de leurs propres mains!

Serait bien mal venu le "demeuré" qui oserait parler de patates frites dans cette galaxie "Sushi"... C'est pourtant ce que je vais faire! Car, moi, j'en témoigne, j'ai bel et bien vécu l'arrivée de la patate frite, sushi des années cinquante. Nous n'en mangions pas souvent! Le dimanche après-midi, en assistant aux matches de baseball. Toute une fête! Avec vinaigre et ketchup, des cure-dent, dans un casseau de carton. Tout juste si nous ne mangions pas le carton en sus! Sans oublier le p'tit Coca Cola. Ce fut une frénésie. Nos mères eurent tôt fait d'apprendre le métier! Nous avions une gardienne qui savait faire des "frites". Dieu qu'elle était "d'adon". Les cabanes à patates frites se mirent à pulluler. Il n'était pas question de gras "trans", à cette époque. Les cabanes ouvraient vers le début juin; leur vie estivale était éphémère: peu survivaient à la Fête du Travail. L'hiver, c'est au hockey, au Palais Municipal, le vendredi soir, que nous nous adonnions à la frite. Pas de vendredi soir réussi sans son casseau! Quelquefois, le soir, Lulu était magnanime: elle nous payait la traite. Un casseau et un petit Coke! Nous avions dix, onze, douze ans. La grosse affaire, dans ce temps-là, c'était "d'aller aux patates frites" dans le bois. Nous partions donc, quelques gamins, avec, dans nos havresacs, des patates, de la graisse, une chassepinte, du sel et du ketchup. Nous allions dans un bosquet que l'homme blanc n'avait pas encore découvert et où personne ne nous verrait. L'affaire était organisée: Marius s'occupait du feu, je pelais les patates, Marius surveillait la cuisson et le gros Girard s'empiffrait! Il devait rester gros toute sa vie, d'ailleurs. Dans quelques années, il découvrirait le gâteau Reine Elizabeth et... c'en serait fait de sa minceur! Nous nous empiffrions de grasses et délicieuses patates frites jusqu'à en être malade. C'était ensuite, vers la fin de l'après-midi, le retour à la maison, avec l'heureuse sensation d'avoir accompli quelque chose.

On se lasse de tout. L'ère des frites s'est étiolée. On ne trouve plus de cabanes à patates frites dans mon village natal. Oh, si! Il y a Polo Cossette! Mais ce n'est plus une cabane. C'est un restaurant maintenant. Polo s'est recyclé, au fil des années... Plus tard, les frites seraient remplacées par le spaghetti italien, par la pizza, par le boeuf bourguignon, la lasagne et... les sushis. Quand j'entends les trentenaires d'aujourd'hui nous annoncer avec désinvolture qu'ils sont allés la veille déguster des sushis chez le nippon du coin, je ne puis réprimer un sourire... Autres temps, autres moeurs! En mil neuf cent cinquante-cinq, c'est aux patates frites qu'ils seraient allés! L'auraient-ils avoué avec la même désinvolture?

Delhorno

mardi 29 janvier 2008

DE RETOUR

Arrivé hier de Hispanola. Mois fructueux, à plusieurs points de vue. Mais là n'est pas mon sujet. Je rapporte des "trouvailles". Daniel Pennac. "Chagrin d'école". A lire.

"Ne touchez pas l'épaule
Du cavalier qui passe!
Il se retournerait
Et ce serait la nuit
Une nuit sans étoile
Sans courbe ni nuage.

-Que deviendrait alors
Tout ce qui fait le ciel,
La lune et son passage
Et le bruit du soleil?

-Il vous faudrait attendre
Qu'un second cavalier
Aussi puissant que l'autre
Consentît à passer.

Supervielle. "L'allée"

Il y a une historiette derrière ce poème. Pennac a été professeur de français toute sa vie. L'an passé, se promenant dans un village corse, une demoiselle attablée l'interpelle:
-Ne touchez pas l'épaule du cavalier qui passe! Et Pennac d'enchaîner avec les strophes suivantes.

La muchacha était une ancienne élève! Pennac lui avait fait apprendre ce poème. Elle ne l'avait pas oublié, ne l'oublierait probablement jamais! C'est-y pas beau comme historiette?

Autre trouvaille:
"Tu étais un élève friandise!
C'est ainsi que, devenu professeur, j'appelais (IN PETTO) mes excellents élèves, ces perles rares, quand j'en trouvais un dans ma classe. Je les ai beaucoup aimés, mes élèves friandises! Ils me reposaient des autres et me stimulaient. Celui qui pige le plus vite, répond le plus juste, et avec humour souvent, cet oeil qui s'allume, et CETTE DISCRETION DANS L'AISANCE, qui est la grâce suprême de l'intelligence... Pennac

Discrétion dans l'aisance... Dieu que j'aime cette manière de dire! Gibus! McPh! Il vous faut lire "Chagrin d'école". Il y a encore des "maîtres"... Où sont-ils chez nous? Pourquoi ne témoignent-ils pas?

Delhorno

vendredi 4 janvier 2008

LA PECHE BLANCHE

Grosse nouvelle: ils ont déménagé leurs cabanes sur la baie des Ha! Ha! hier et avant-hier. Ils seront des centaines à s'adonner au génocide. Je dis bien génocide. Je ne pense pas mourir avant d'avoir vu la disparition du Sébaste dans le Saguenay. Les signes avant-coureurs sont tous là: il faut pêcher des heures, le ministère fédéral des Pêcheries enquête tous les printemps, les "génocideurs" s'offusquent, les économistes envisagent la disparition d'une activité lucrative.

As-tu déjà entendu parler des lacs Ha!Ha!, Gibus? Le Grand et le Petit? Non? C'étaient, à l'arrivée des colons à Ferland dans les années trente, deux paradis de la truite mouchetée. J'ai passé près d'une à écouter ce Simard, pionnier du rang double de Ferland-Boilleau, avant qu'il ne décède, il y a de ça plusieurs années. Les colons allaient pêcher ces lacs l'hiver, question de varier le menu. Truites d'anthologie... Ces lacs sont vides, vidés par nos "brothers" de Ferland-Boilleau.

J'en ai vu descendre de St-Nazaire pour venir promener leur ennui de vivre sur les glaces baieriveraines. Quotidiennement, sept jours par semaine. Sans compter la caisse de bière... Il y pêche, pêcheries, mais il y connerie aussi.

J'opine qu'il faut interdire la pêche sur les glaces baieriveraines dès aujourd'hui. Nous n'avons pas besoin de sébaste pour vivre; la morue est bourrée de mercure et autres "additifs"; cette sorte de pêche "pour passer le temps", "pour guérir le mal de vivre", "pour le plaisir", est une gigantesque bouffonnerie dont seuls les humains sont capables.

J'entends encore les bien-pensants arguer:
-Il faut en prélever "quelques-uns" pour vivifier l'espèce!

Connerie que tout cela. L'espèce est en voie d'extinction! Les biologistes sont à vos trousses. L'interdiction de pêcher n'est pas très loin et bientôt le sébaste n'agrémentera plus que les souvenirs de vieux radoteurs, comme la grosse truite des lacs Ha! Ha!

Delhorno

jeudi 3 janvier 2008

DESILLUSION

Chaque automne, les cultivateurs de chez nous ont coutume de passer la charrue dans leurs champs. Il semblerait que "retourner la terre à l'envers" améliore le rendement de celle-ci l'année suivante. Cette tactique agricole est devenue un incontournable, tant pour le producteur que pour l'observateur. Que penser d'un cultivateur qui ne retournerait pas son champ à l'envers chaque automne. Eh bien! Il n'est pas du tout certain que ce "retournement de situation" soit réellement bénéfique. Il n'y a pas d'étude scientifique, contrôlée, à double insu, qui corrobore le bien-fondé du labour! Certains cultivateurs de la couronne de Montréal seraient en train, selon "La Semaine Verte" de faire la preuve du contraire...

Cette introduction est un peu longue, me diras-tu, Gibus. C'est que j'ai l'impression, à travers mon blogue, de "labourer" mon passé, de "vouloir raconter ma p'tite histoire". Or, j'en ai décousu largement, devant mes intimes et depuis la chanson des Cowboys Fringants, avec ceux qui sont anxieux de la raconter, "leur p'tite histoire". Il y en a plein le petit écran, de ceux-là, et plein mon environnement. Sans compter les "ceusses" qui écrivent leurs Mémoires! Claude Poirier vient de publier son autoabiographie, imagine! Ca doit faire partie de l'histoire naturelle du sexagénaire qui retourne vers ses terres de vouloir ainsi labourer son passé... Je ne t'oblige donc pas, Gibus, ni toi, McPerson, à me lire! Quoique... Ca ne prend pas grand'chose pour flatter un égo...

Il s'appelait Lucien Delisle, si ma mémoire est fidèle. Cet été-là, je faisais partie de l'équipe de tennis de mon patelin, que je ne nommerai pas, le respectant trop. Ce soir-là, nous jouions contre Jonquière, derrière le Palais Municipal. Les courts de tennis existent encore, au même endroit. Le sort m'adjugea un match de simple contre ce Delisle, dont j'avais jusqu'alors ignoré l'existence. Quelle ne fut pas ma stupéfaction quand il se présenta sur le court pour me serrer la main! Il n'avait pas de bras droit! L'avait perdu en bas âge, suite à un accident. Pour servir, il tenait et la balle et la raquette dans sa main gauche, lançait la balle sans échapper la raquette, et, après un mouvement rapide du bras qui m'apparut tenir de l'illusion et du miracle, frappait la balle en lui imprimant un "slice" que je ne fus jamais en mesure de bien retourner! Je gagnai bien quelques parties sur mon service... Son coup droit était aussi bon que son service! Il le frappait avec un effet que je n'avais jamais vu jusqu'alors. Il me lava. Pourtant, j'avais été sûr du contraire, avant le match.

Ma soirée se termina dans la désillusion. J'avais servi de "faire valoir" à un handicapé... qui avait dû se dire, en remontant à Jonquière:
-Rien n'est impossible, il suffit de vouloir, de ne pas lâcher. J'ai battu un gars qui avait ses deux bras!
Ses parents, sans doute, devaient lui avoir seriné la même médication verbale, depuis son malheureux accident.

Ma carrière de tennisman ne se termina point sur cette humiliation. Je rejouai, et rejouai, sams jamais exceller, mais sans jamais désespérer. Autour de la quarantaine, je me fis examiner la vue par un collègue qui prit le temps de m'examiner comme il faut. Personne auparavant ne m'avait si bien examiné. J'étais infirme moi aussi! Absence de vision binoculaire. Impossible de rivaliser, dans ces sports nécessitant de l'habilité oculomanuelle. Je m'étais souvent souvent demandé pourquoi j'étais toujours surpris quand la balle s'en venait vers moi, pourquoi je me faisais battre par Michael Caine, qui avait déchiré ses deux tendons d'Achille et pouvait à peine se déplacer sur le court. Si j'avais su... Que de temps perdu à m'essayer, à m'échiner...

On est toujours l'infirme de quelqu'un. Vrai ou faux? Et la partie est perdue d'avance.

Delhorno

mercredi 2 janvier 2008

HISTOIRE DE FAUSSAIRE

A toi,
Si tu aimes les mots
Et la langue française
Et ce petit humour fin
Qui fait juste sourire.
Et si, finalement,
Tu aimes Georges Brassens.


Se découpant sur fond d'azur
La ferme était fausse bien sûr,
Et le chaume servant de toit
Synthétique comme il se doit,
Au bout d'une allée de faux buis,
On apercevait un faux puits
Du fond duquel la vérité
N'avait jamais dû remonter.

Et la maîtresse de céans
Dans un habit, ma foi, seyant
De fermière de comédie
A ma rencontre descendit,
Et mon petit bouquet, soudain,
Parut terne dans ce jardin
Près des massifs de fausses fleurs
Offrant les plus vives couleurs.

Ayant foulé le faux gazon,
Je la suivis dans la maison
Où brûlait sans se consumer
Un genre de feu sans fumée.
Face au faux buffet Henri-deux,
Alignés sur les rayons de
La bibliothèque en faux bois,
Faux bouquins achetés au poids.

Faux Aubusson, fausses armures,
Faux tableaux de maîtres au mur,
Fausses perles et faux bijoux,
Faux grains de beauté sur les joues,
Faux ongles au bout des menottes,
Piano jouant des fausses notes
Avec des touches ne devant
Pas leur ivoire aux éléphants.

Aux lueurs des fausses chandelles
Enlevant ses fausses dentelles,
Elle a dit, mais ce n'était pas
Vrai, tu es mon premier faux pas.
Fausse vierge, fausse pudeur,
Fausse fièvre, simulateurs,
Ces anges artificiels
Venus d'un faux septième ciel.

La seule chose un peu sincère
Dans cette histoire de faussaire
Et contre laquelle il ne faut
Peut-être pas s'inscrire en faux,
C'est mon penchant pour elle et mon
Gros point du côté du poumon
Quand amoureuse elle tomba
D'un vrai marquis de Carabas.

En l'occurence Cupidon
Se conduisit en faux jeton,
En véritable faux témoin,
Et Vénus aussi, néanmoins
Ce serait sans doute mentir
Par omission de ne pas dire
Que je leur dois quand même une heure
Authentique de vrai bonheur.

Paroles et musique: Georges Brassens

Delhorno

mardi 1 janvier 2008

DIFFICILE D'Y ECHAPPER

La pression de l'entourage est infernale. On n'est pas encore rendu au premier janvier que les Japonais et les Australiens le célèbrent déjà. On ne travaille pas cette journée-là. Ca va durer quelques semaines... "bonne et heureuse" "de la santé, surtout, c'est ce qui importe" "du succès dans tes études" "un beau petit bébé en 2008" "pourquoi pas une blonde en 2008". Je le sais bien, tous sont bien intentionnés... Mais, moi, ça ne me dit rien, le Jour de l'An. Peut-être parce que je sais que c'est arbitrairement qu'on l'a choisi ainsi... Probablement aussi parce que je sais que rien n'arrête le 1er janvier. Le Temps continue son temps, depuis le Big Bang. J'ai oublié tous les Premier de l'An du passé... Sauf celui où mon oncle Pierre-Alphonse m'a saoulé au Cuba Libre... Bonne et Heureuse! donc, à chacun de mes lecteurs, puisqu'on n'y échappe pas. Je te souhaite le Meilleur, du Meilleur de moi-même. Je te souhaite qu'il y ait un Paradis à la fin de tes jours. Moi, je n'y crois pas...

Encore une fois, Québec est en fête. Te rappelles-tu, McPhee, de la dernière fête qu'il y eut au Village? Un fiasco, presque. Les Villageois nous avaient annoncé, un an à l'avance, qu'il y aurait tellement de monde que les cousins du Lac et du Saguenay devraient stationner leur auto à partir de l'Etape. Les cousins se gardèrent bien d'aller se mouiller dans un tel bordel... Mais moi, j'ignore pourquoi, le 400e, ça ne me dit rien non plus. On ne m'y verra pas. J'irai sans doute visiter mes frères, jouer au golf avec Dédé, L'Taon et Celin, mais pas plus. Le Médiéval, très peu pour moi. Relent de l'université, peut-être. Je me suis tellement ennuyé durant ces quatre années à la Fac. Samuel de Champlain ne prit pas même la peine de décéder à Québec! Se sauva en France, comme la "monsieutrie" française en 1763, après la défaite... Ce qui fait que mes ancêtres durent se débrouiller avec leurs voisins, "tirer le diable par la queue", comme disaient mon père et mes oncles.

"Tu commences mal ton année, Delhorno!" Sexagénaire désabusé... Pas du tout. Je vis, je continue à vivre, sachant exactement ce que je veux. Ca m'aura pris toute une vie pour savoir ça.

Delhorno