mardi 5 février 2008

PAUL MEDERIC

C'était son nom de plume: Paul Médéric.

Il était un Tremblay "Médéric", d'où son nom de plume. Natif de Baie Saint-Paul. Il connaissait mes ancêtres, le Cap-aux-Corbeaux, l'histoire de la baie Saint-Paul. Paul origine de son prénom, Jean-Paul Tremblay. Prêtre. Fut mon professeur de philosophie au Séminaire. Ne l'ai jamais oublié. Une autre de mes idoles.

Au début des années soixante, il fondait les "Equipiers de saint Michel" au Séminaire. Ceux qui le suivirent jamais ne l'oublièrent! Chaque fin de juin, il les emmenait en France, à vélo, sur les routes de Normandie et de Bretagne. Ils ne l'oublièrent jamais. L'unique problème, l'abbé Jean-Paul était mauvais comptable et manquait toujours d'argent. L'équipée ne dura point, conséquemment.

Sur les hauteurs du Cap-aux-Corbeaux, il construisit un camp d'été où venaient se ressourcer les équipiers de saint Michel. Encore là, une idée brillante, mais elle ne lui survécut point.

Jean-Paul écrivait. Un des rares professeurs de quelque chose qui écrivît, au Québec, a fortiori au Saguenay. LOISIR ET LOISIRS, c'est de lui. Deux tomes. Il y prophétisait la société dans laquelle nous vivons maintenant: le monde de l'abondance, du plus facile, celui où nous est donné le LOISIR d'avoir des LOISIRS. Car l'OISIVETÉ est à proscrire! Il me demanda -j'étais président de mon conventum- d'écrire la préface du deuxième tome. Il put ainsi la corriger abondamment! Quant à moi, j'en fus quitte pour une bonne dose d'humilité. Mais quelle bonne idée que de faire écrire la préface de son livre par un des ses élèves!

Ce qu'on nous enseignait, à l'époque, durant le cours classique, c'était le THOMISME, la philosophie d'Aristote, des premiers penseurs de l'Eglise, commentée par le "Rocket" de l'Eglise Catholique, saint Thomas d'Aquin. En latin, il va sans dire. L'abbé Jean-Paul ne pouvait évidemment esquiver ce cursus. Ainsi fit-il plus que cela et bien davantage: il "éleva" le niveau de ses "élèves". Car il faut bien savoir qu'un élève est celui qu'on "surélève" à un niveau supérieur. JP nous indiqua, insidieusement, qu'on pensait autrement ailleurs. Il nous fit lire Jean Barois, le roman de Roger Martin du Gard, que je n'oublierai jamais. "Le bonheur réside dans une activité bien faite." Peu de maîtres ont ainsi le don de guider leurs élèves.

Le clou de l'année, ce fut la parution d'un ouvrage collectif, oeuvre des élèves de notre classe. Il s'y parlait de philosophie, de St-Ex à un québecois de Montréal "André Quelquechose", en passant par Platon, les Allemands, quelques Français. Merveilleuse initiative, dont je ne fus pas peu fier et que je me remémore volontiers. JP fut le dernier "Maître" qu'il me fut donné de suivre.. Pas étranger à ma décision de m'inscrire à la faculté de Philosophie. Mais là, je fus amèrement déçu. Les universitaires n'arrivaient pas à la taille de JP. C'étaient de vulgaires répétiteurs, des perroquets, pas des Maîtres.

Plusieurs années plus tard, notre Conventum se réunit à Chicoutimi. Je pus influencer le contenu des retrouvailles. J'organisai un cours magistral à l'ancienne, sous l'égide des deux professeurs qui avaient été mes Maîtres à penser: Jacques Tremblay, professeur de littérature française, et Jean-Paul Tremblay, professeur de philosophie. Ils n'avaient pas trop vieilli, nous donnèrent un bon spectacle. C'est moi qui reconduisit JP à l'autobus qui le ramena à Québec.

Quant à Jacques Tremblay, je le retrouvai un peu plus tard alors qu'il prenait une marche devant ma maison. Parle, parle, jase, jase, il devint mon ami et me fit l'honneur de me léguer les écrits qui avaient occupé sa retraite du CEGEP. La dernière fois que je le vis, il se remettait, sur l'étage de neurochirurgie, d'une intervention dévastatrice. JP mourut à Québec, alors que je travaillais trop fort à Chicoutimi. Les funérailles eurent lieu à Baie S-Paul. Trop fatigué, j'en fus absent. Je l'ai toujours regretté.

La vie, me semble-t-il, m'a donné cette chance d'avoir accès à des être exceptionnels, dont l'influence m'a accompagné tout le long. J'ai vu grandir mes enfants: il m'apparaît qu'eux n'ont pas eu la même veine. Me suis-je trompé?

Delhorno

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