mercredi 2 juillet 2008

LE CLUB DE GOLF DE PORT-ALFRED

Dans quelques heures, je décocherai sur le tertre de départ #1 à Port-Alfred. Banalité, me diras-tu, cher McPherson. Eh bien! Non. Ce ne sera pas et ne sera jamais une banalité. Car c'est là que j'ai joué au golf pour la première fois, avec André, mon frère, nous partagions le même sac, des bâtons de bois achetés de Reine-Marguerite Bergeron, la maîtresse d'école, pour quelques dollars. Que de désillusions y avons-nous vécues... J'avais dix ans à peine, André huit. L'oncle Fernand nous avait enseigné, fort brièvement il faut le dire, les pseudomystères de l'élan de golf et... nous voilà lancés. Que de balles perdues, que de parties brisées à jamais. Mais que de beaux souvenirs aussi.

Le Port-Alfred était un neuf trous à l'écossaise, construit à l'origine pour et par les Anglais qui venaient travailler à la Consol: les Hogan, les Sweeney et plusieurs autres dont j'ai oublié les noms. Les pure-laine suivirent le mouvement, dont les Delhorno, Mutt et mes oncles Frenand et Raymond, qui furent parmi les premiers francos à s'essayer au jeu des anglais. La suprématie anglophone était terminée quand Dédé et moi nous mîmes au golf. Les pure-laine avaient pris le contrôle du lieu, tout s'y passait en français.

Du plus loin que je me souvienne, je n'ai jamais su l'élan de golf comme il faut. Manque de talent naturel, sans doute. J'aurais dû, on aurait dû me le dire, prendre des cours du professionnel. On ne semblait pas penser à cela à cette époque. J'ai continué à m'essayer, toutes ces années, avec une ardeur et un amour jamais taris, traînant des années durant un slice dévastateur, des coups ratés par une trop grande impétuosité. Quelques beaux coups, aussi, qu'on n'oublie jamais et qui vous font revenir le lendemain.

J'ai réussi mon premier birdie sur le trou #3, une normale 4, lors d'un tournoi pour gamins. J'avais deux coups d'effectués et la balle se trouvait au début du vert. Je pris le petit "chipper" brun de l'oncle Fernand et la balle retrouva le trou. Je me souviens qu'on me donna une balle de golf en cadeau pour cet exploit.

Mutt ne fut pas un très grand joueur, je pense. Car une fois il vint jouer avec moi, la seule fois de ma vie où je le vis s'élancer au golf. Son élan n'était pas très bon... si ma souvenance est exacte. A sa décharge, je vous avouerai que c'était presque l'hiver ce matin-là chez nous à la Baie.

L'oncle Fernand, par contre, était un champion; il avait remporté la plupart des tournois du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Peu patient, par contre, impatient même. Toujours pressé d'en finir. c'est ainsi qu'il m'a perdu comme ami. L'oncle Raymond frappait fort, mais souvent croche. Pas un très grand joueur. Ces gars-là étaient incapables de parler à leurs neveux...

J'ai travaillé comme étudiant sur mon terrain de golf! J'avais vingt ans, vingt et un an. Les verts des trous #4 et #5, c'est moi qui les ai fabriqués, en compagnie d'Isoland Claveau de St-Félix et de quelques autres.

Il y eut aussi l'époque des trois frères Delhorno: André, Marcel et Claude. Nous avions coutume, durant ces quelques années, de jouer un neuf à cinq heures le soir. Notre partenaire préféré était Alain Gagné. Quelquefois, Nicole Janelle se joignait à nous. Mutt venait nous voir jouer sur les trous #7 et#8. La partie terminée, nous ne manquions jamais de siroter une bière au clubhouse, tout en commentant nos faits d'armes. Lulu nous attendait à la maison avec le souper prêt. Mutt ne se privait pas d'ironiser sur notre calibre de jeu, à grands renforts d'éclats de rire.

Mon plus bel exploit? Jérôme devait avoir 10 ou 11 ans. C'était un tournoi de gageurs, par équipes de quatre. Notre capitaine était un Harvey d'Alma. Il y avait aussi Michel Simard, l'ex-lanceur de baseball, Julien Côté, le fils de Roland Côté. Nous étions en prolongation sur le trou #1. C'en était fini de notre équipe si nous ne réussissions pas ce grand putt de trente pieds qui descendait vers le début du vert. Les deux premiers à "putter" avaient pensé que le putt tournait vers la droite et l'avaient manqué. Moi, je savais d'instinct, pour avoir joué ce vert depuis ma tendre enfance, que ce putt tournait vers la gauche. La pression était énorme... Je visai un pied à la droite du trou et la balle se dirigea dans le trou! Il s'ensuivit une clameur que je n'avais connue jusqu'alors dans ma vie. Les spectateurs étaient tous des baieriverains qui m'avaient connu depuis ma tendre enfance et qui étaient fiers de ce putt tout autant que moi. Ce putt nous permit de gagner la deuxième place et me permit d'engranger plus de mille dollars! Car j'avais gagé sur les chances de mon équipe. J'avais gagé "PLACE"! Notre équipe ayant été négligée par les parieurs, je m'en retournai à Chicoutimi avec la totalité de la cagnotte! Jérôme était mon caddie ce jour-là: il réclama son dû! Dix pour cent de mes gains!

J'ai quitté Port-Alfred à l'âge de vingts-six ans. Sans jamais avoir oublié mon terrain de golf. Chaque été, je m'efforce d'y effectuer un retour, comme une sorte de pèlerinage. Mais, ce n'est jamais un effort, et c'est toujours une belle journée.

Delhorno

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