mardi 22 avril 2008

LE PAYS DE RAMSES II

J'y fus, du 22 février au 6 mars de cette année. Pas si facile que ça d'écrire des impressions de voyage à la suite de Pierre Loti, d'Hérodote et de Jean d'Ormesson. Au retour, escale à Charles-de-Gaulle, le vendredi 6 mars. Feuilletant Le Figaro, un vieil ami, je note tout de suite la relation de voyage de Jean d'Ormesson, qui vient tout juste d'amener au pays de Ramsès II sa petite- fille. Je dévore l'article, il va sans dire, et replie le journal, désabusé, désillusionné. L'académicien avait tout dit, je n'aurais rien à écrire.


J'ai donc laissé mijoter... Tout a son histoire. Laisse-moi, Gibus, te raconter celle-ci.


Quelque part dans les années cinquante. "Les cigares du Pharaon". Tintin. Premiers souvenirs égyptiens. Les momies, les tombeaux, les pyramides.


1957-58. Elements latins. Collège St-Edouard. Port-Alfred. Le frère Raymond nous initie à l'Histoire. Premier chapitre. Les premières civilisations connues. L'Egypte, le dieu Râ, Ramsès, Tout-Ank-Amon, Kheops, Kefren, Mykerinos. Mots que je n'oublierai jamais, grâce à cette merveilleuse mémoire qui m'est venue avec la vie.

Petit Séminaire de Chicoutimi. Années soixante. On nous initie au grec ancien. Mes vieux amis, Socrate, Platon et Aristote, que j'ai négligés depuis, en passant. Mais aussi Hérodote, l'historien qui a visité l'Egypte et l'a décrite de ces quelques mots qui franchiront vingt siècles: "L'Egypte est un don du Nil".
Un sous-sol, rue Marguerite-Tellier, Chicoutimi, vers 1983. Un petit garçon qui doit remettre un travail sur l'Egypte, un dimanche soir. Nous nous attablons. Je retrouve le vieux manuel d'Histoire de 1958. Nous y plagions tout ce qui peut impressionner son professeur. Je me revois vingt-cinq ans plus tôt, dans la classe du frère Raymond.
Quelque part entre 2006 et 2007. Le même petit garçon, devenu trentenaire. Nous devisons...

-J'aimerais t'emmener en voyage quelque part, quand le moment propice sera venu. Où aimerais-tu aller?
-En Egypte!
C'est ainsi que nous atterrîmes au Caire le samedi 23 février 2008, lui et moi.

Le Caire? Une mégapole. Surchargée. Polluée. Trop d'automobiles. Le Musé National du Caire? Incontournable. Mais ... les Egyptiens devraient le mettre au goût du jour, installer des ordinateurs, des écrans, des écrits dans plusieurs langues. Le Nil au Caire? Féérique.

Les Egyptiens? Barrière de la langue. Ne les connaissons qu'à grands traits, à travers les commentaires épars des guides. Les Egyptiennes? De grandes inconnues.

Mon sommaire? Les Grandes Pyramides, Assouan, Louxor, Abou Simbel, les felouques, le Nil, l'aphorisme d'Hérodote: "L'Egypte est un don du Nil."
Ne pas aller dans le désert égyptien: y sommes allés trois jours, à travers 1500 kilomètres de minivan. Ca ne vaut pas le détour, à mon avis.
Aller à Assouan et Abou Simbel en avion. C'est trop long en auto et en train. Perte de temps pour peu d'intérêt durant le voyage.
Tout est souvent question d'argent... Je ne retournerais pas au Caire, sauf pour faire plaisir à quelqu'un. Mais je retournerais à Assouan, à l'Hôtel OLD CATARACT, qui fut l'hôtel d'Agatha Christie...
Delhorno

dimanche 20 avril 2008

SAUCETTE BAIERIVERAINE

Je le sais, "saucette" ne se trouve pas dans le Petit Larousse! Pourtant, le mot est plein de saveur... Une "saucette" chez quelqu'un, c'est un court séjour. Régionalisme. A classer dans le même chapitre que l'accent. Je me suis donc permis une saucette baieriveraine cet après-midi, histoire de me remettre les deux pieds bien à terre, à l'endroit où ils foulèrent le sol pour la première fois en juin mil neuf cent quarante-quatre.

Car, j'ai été baieriverain... Le suis-je encore? Je me sens de plus en plus étranger à Bagotville, Port-Alfred et Grande-Baie. Parenté émigrée un peu partout. Ne reste que le cousin Gaston. Deux amis, oui, mais nous pourrions tout aussi bien être amis ailleurs... Une vieille tante que je tente d'oublier, deux ou trois cousins obscurs que jamais je n'ai revus...

Reste que je me suis senti étranger aujourd'hui au pays de mes parents, de mes frères et soeur, de mes amis. Sans trop savoir pourquoi. Est-ce moi qui ai changé, ou est-ce Port-Alfred?

Car le "Moulin", coeur de ma ville, est disparu, complètement, totalement. Démoli, démantelé. Même le "quai de la Consol" a été défait. Qui aurait pu croire ça? Nous pensions que c'était éternel! J'y revois encore les goélettes chargées de pitounes à ras bord, les bateaux de fer qui arrivaient d'Anticosti, le "baume" et les milliers de billes d'épinette qu'il emprisonnait. Je n'ose parler du reste: le monte-pitoune, les deux tas de bûches, le "Time Office", les machines à papier, la balance. Gibus, McPhee, le moulin de la Consol, au temps de mon père et de mes oncles, du temps de ma jeunesse, c'était du solide, comme le roc de Gibraltar.

Mon père y gagna mieux sa vie que mon grand'père gérant de banque. Il s'y fabriquait du "newsprint", que les gars du moulin exportaient à Miami "Miami Herald", New York "Times", Chicago, Détroit. Nos gars se gargarisaient du meilleur papier à journal au monde!
J'ai moi-même travaillé au "Time Office", aux "Ecorceurs", aux "Taches"; j'ai vu mon père et mon beau-père, le premier aux "Machines", le second sur la "Balance", suer leur "shift" sans jamais rechigner. Mon oncle Raoul travaillait sur la "Couleur" et mon oncle Fernand au "Magasin". Tous décédés. S'ils savent ce que j'ai vu cet après-midi, ils ne doivent pas le croire.

Suis allé ensuite revisiter la maison paternelle, Cinquième Avenue. Les érables du fond de cour ont tant vieilli! Je ne les oublierai jamais: car je les ai plantés avec mon père. Nous les avions volés sur la terre d'un simili-cultivateur de St-Félix... Ont à peu près cinquante ans maintenant. La ruelle existe encore, mais sans vie et sans avenir. La municipalité s'est débarassée des ruelles, il y a quelques années. Servent maintenant de stationnements pour les autos des propriétaires. Pour nous, c'était l'un de nos nombreux terrains de jeux. Oublie-t-on jamais les terrains de jeux de son enfance?

La maison du grand'père François a dû être vendue, car la longue galerie est maintenant bordée d'une clôture à barreaux qui ne cadre pas du tout avec l'architecture du lieu. L'ancêtre a dû tempêter... Il détestait son voisin à l'Isle-aux-Couldres et avait bâti sa maison de telle sorte qu'elle montrait son derrière au dit voisin.
J'en avais assez vu... Volontairement, j'ai reporté ma visite aux deux cimetières, de crainte...
Il me faudra désomais vivre de souvenirs, le moulin démantelé, les maisons ancestrales dénaturées, ma parenté disparue.

En moins de deux générations tout un monde s'est effondré. Réflexion sur le sens des mots éphémère et pérenne...

Je pense maintenant savoir pourquoi je ne me sens plus baieriverain.

Delhorno