vendredi 12 septembre 2008

LA SOEUR DU BON-PASTEUR

L'infirmière-responsable de l'infirmerie des Soeurs du Bon-Pasteur demanda à me parler:
-Nous avons ici une soeur de Chapais qui s'est présentée avec une grosseur au sein. Quand pourriez-vous la voir?
-Qu'elle vienne immédiatement, je suis libre.

Elle avait attendu un peu trop longtemps... Ce cancer avait crû démesurément... Je dus lui proposer l'ablation totale du sein. Soixante-quinze ans. Elle accusa le coup sans défaillir.
-Quand?
-La semaine prochaine?
-OK.
Intervention presque parfaite. Quelques semaines à l'infirmerie des soeurs et elle s'en retourna à Chapais. Je ne pus l'oublier. Elle me parlait avec une douceur qui m'était presque thérapeutique, alors que c'était elle, la malade. Pas de hargne, pas de rancoeur, aucune amertume. Je me dis que j'avais une sainte devant moi.
Quelques années passèrent. Ce printemps-là, la Commission des Lésions Professionnelles me commissionna d'aller à Chibougamau pour régler certain problème. Chapais est un petit village forestier situé pas très loin de Chibougamau et je me pris à penser que j'avais l'embelle de remplir la promesse faite à ma vieille soeur d'aller la visiter un jour. On a peine à croire souvent à ces promesses avancées sur le coup de l'impulsion de l'instant...
Me voilà donc parti en auto vers l'ouest. Pays de l'épinette noire. Il y a encore beaucoup de neige dans les sous-bois. Beau soleil. Les gens de Chapais y sont venus pour travailler aux scieries qui y prospèrent. Voilà le village, tout à fait humble. Je me rends tout de suite à l'église, car je me souviens qu'elle m'avait dit résider dans un locale attenant à l'église. Maison tout aussi humble que le village... Je sonne à la porte... On vient me répondre:
-Puis-je rencontrer soeur UneTelle, que j'ai opérée il y a quelques années et à qui j'avais promis...
-Un instant, docteur!
Elle arrive prestement et, me reconnaissant, perd quasiment connaissance! Elle pense que je suis une apparition!
-Entrez Docteur! Elle me fera visiter son petit univers ultra-propre et tout simple. Elle m'offrira des carrés de sucre à la crème. Je m'informerai de sa santé. Elle me répondra avec douceur, cette même douceur qui m'avait fait sentir tout petit quelques années auparavant. Nous nous quitterons sur quelques sourires. Je me sentis bien sur le chemin du retour.

IL NE FAUT PAS REFUSER L'INSOLITE QUAND IL SE PRESENTE.

Delhorno

N.B. Faits rigoureusement exacts; les noms importants ont été changés.

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